Page:Leblanc - La Cagliostro se venge, paru dans Le Journal, 1934.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voix sincère. Cela faisait partie de leur vie secrète, et je n’ai jamais parlé avec Félicien Charles.

— Il n’y a donc plus que lui qui puisse me renseigner, dit Raoul, et c’est lui que je dois interroger pour comprendre toute l’aventure.

Il fit une pause et acheva :

— C’est moi qui ai fait arrêter Thomas Le Bouc, d’accord avec lui, d’ailleurs. Il embrouille l’instruction et démolit les charges accumulées contre Félicien. Si, comme je l’espère, il est libéré, il ne risque pas de se heurter à ta vengeance, Faustine ?

— Non, fit-elle avec netteté. Non, s’il n’est pas la cause de la mort de Simon ; cela domine tout pour moi. Il m’est impossible de vivre en dehors de cette idée de vengeance. Il me semble que Simon n’aura de paix dans la mort que si le crime est puni.

L’entretien était terminé. Raoul tendit la main à Faustine, qui refusa la sienne.

— Soit, dit-il. Je sais que vous ne donnez ni votre confiance ni votre amitié, mais ne soyons pas ennemis, Faustine. Quant à moi, je vous remercie d’avoir parlé…


Raoul, qui avait réintégré le Clair-Logis, n’en sortit plus que pour de courtes promenades au Vésinet ou dans les environs immédiats. Plusieurs fois, il aperçut Jérôme Helmas qui semblait avoir renoncé à son voyage dans la montagne et qui se dirigeait vers les Clématites ou qui en revenait. Il le vit même en compagnie de Rolande Gaverel. Les deux jeunes gens marchaient l’un près de l’autre, dans une avenue, silencieux.

Raoul les salua, de loin. Il n’eut pas l’impression que Rolande fût désireuse de lui parler.

Un jour, Raoul fut convoqué par le juge d’instruction, qu’il trouva fort perplexe, car Thomas Le Bouc se cantonnait dans le cercle de défense extrêmement étroit que Raoul lui avait assigné. Il ne commettait pas une erreur. Ses affirmations ne variaient point, et les habiletés de M. Rousselain ne le prenaient jamais en défaut. « J’ai fait ceci… j’ai fait cela… Pour le reste, je ne sais rien. »

— Tout se tient dans leurs déclarations, celles de Le Bouc comme celles de Félicien Charles, dit M. Rousselain avouant son embarras. Ou bien des phrases toutes faites, et toujours les mêmes, ou bien des partis pris de silence. Pas une fissure par où puisse filtrer un peu de lumière. On dirait des leçons apprises. Savez-vous l’impression que j’éprouve, monsieur d’Averny ? Eh bien, tout se passe comme si une force supérieure essayait de substituer Thomas Le Bouc à Félicien Charles.

M. Rousselain regardait Raoul, lequel pensa :

— Pas si bête, le bonhomme !

Et M. Rousselain continuait :

— Est-ce bizarre, hein ! Je commence à ne plus croire que Félicien soit coupable. Mais je n’accepte pas encore l’idée que Le Bouc, qui s’accuse, ait accompli cette promenade nocturne sur l’étang. J’ai fait venir le propriétaire de la barque. Je l’ai confronté avec Félicien et avec Le Bouc. Il est moins affirmatif. Alors ?

Il ne quittait pas Raoul des yeux. Raoul hochait la tête, ayant l’air d’approuver. À la fin, le juge prononça, déplaçant tout à coup la conversation :

— Vous êtes très prisé en haut lieu, monsieur d’Averny. Vous le saviez ?

— Bah ! fit Raoul, j’ai eu l’occasion de rendre quelques services à ces messieurs.

— Oui, on m’a dit ça… sans aucun détail, d’ailleurs.

— Un jour ou l’autre, quand vous