Page:Leblanc - La Comtesse de Cagliostro, paru dans Le Journal, 1923-1924.djvu/50

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Elle chuchota :

— Tu as eu l’audace !… tu as osé !… Et toutes ces menaces, tout ce chantage pour me contraindre à parler, c’était de la comédie ? Ah ! Raoul, je ne te pardonnerai jamais.

— Mais si, mais si, dit-il d’un ton badin, tu pardonneras. Simple petite blessure d’amour-propre, qui n’a rien à voir avec notre amour, ma chérie ! Entre gens qui s’aiment comme nous, cela n’existe pas. Un jour c’est l’un qui égratigne, le lendemain c’est l’autre… jusqu’à l’instant où l’accord est parfait sur tous les points.

— À moins qu’on ne rompe auparavant, fit-elle entre ses dents.

— Rompre ? parce que je t’ai soulagée de quelques confidences ? Rompre…

Mais Joséphine gardait un air si déconcerté que, soudain, Raoul, pris d’un fou rire, dut interrompre ses explications. Il sautait d’un pied sur l’autre, et tout en gambadant, gémissait :

— Dieu ! que c’est drôle ! Madame est fâchée !… Alors, quoi ? plus moyen de se jouer des petits tours ?… Pour un rien, la moutarde vous monte au nez !… Ah ! ma bonne Joséphine, ce que tu m’auras fait rire !

Elle ne l’écoutait plus. Sans s’occuper de lui, elle enleva la serviette qui encapuchonnait Léonard et coupa les liens.

Léonard bondit vers Raoul, avec une allure de bête déchaînée.

— N’y touche pas ! ordonna-t-elle.

Il s’arrêta net, les poings tendus contre le visage de Raoul, qui murmura les larmes aux yeux :

— Allons bon, voilà le sbire… un diable qui sort de sa boîte…

Hors de lui, l’homme frémissait :

— On se retrouvera, mon petit monsieur… On se retrouvera… mon petit monsieur… fût-ce dans cent ans…

— Tu comptes donc par siècles aussi, toi !… ricana Raoul, comme ta patronne…

— Va-t’en, exigea la Cagliostro en poussant Léonard jusqu’à la porte… Va-t’en… Tu emmèneras la voiture…

Ils échangèrent quelques mots rapides en une langue que Raoul ne comprenait pas. Puis, quand elle fut seule avec le jeune homme, elle se rapprocha et lui dit d’une voix âpre :

— Et maintenant ?

— Maintenant ?

— Oui, tes intentions ?

— Mais tout à fait pures, Joséphine, des intentions angéliques.

— Assez de blagues. Que veux-tu faire ? Comment comptes-tu agir ?

Devenu sérieux, il répondit :

— J’agirai différemment de toi, Josine, qui t’es toujours défiée. Je serai ce que tu n’as pas été, un ami loyal qui rougirait de te porter préjudice.

— C’est-à-dire ?

— C’est-à-dire que je vais poser à Brigitte Rousselin les quelques questions indispensables, et les poser de manière que tu entendes. Cela te convient ?

— Oui, dit-elle, toujours irritée.

— En ce cas, reste ici. Ce ne sera pas long. Le temps presse.

— Le temps presse ?

— Oui, tu vas comprendre, Josine. Ne bouge pas.

Aussitôt Raoul ouvrit les deux portes de communication et les laissa entrebâillées afin que le moindre mot pût être perçu par elle, et se dirigea vers le lit où Brigitte Rousselin reposait sous la garde de Valentine.

La jeune actrice lui sourit. Malgré tout son effroi, et bien qu’elle ne saisît rien de ce qui se passait, elle avait, en voyant son sauveur, une impression de sécurité et de confiance qui la détendait.

— Je ne vous fatiguerai pas, dit-il… Une minute ou deux seulement. Vous êtes en état de répondre ?

— Oh ! certes.

— Eh bien ! voilà. Vous avez été victime d’une sorte de fou que la police surveillait et que l’on va interner. Donc, plus le moindre péril. Mais je voudrais éclaircir un point.

— Interrogez.

— Qu’est-ce que c’est que ce bandeau de pierreries ? De qui le tenez-vous ?

Il sentit qu’elle hésitait. Cependant, elle avoua :

— Ce sont des pierres… que j’ai trouvées dans un vieux coffret.

— Un vieux coffret de bois ?

— Oui, tout fendu et qui n’était pas même fermé. Il était caché sous de la paille, dans le grenier de la petite maison que ma mère habite en province.