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Laurence. J’ai des carnets de notes, une sorte de journal écrit par Victorine Martin, la revendeuse, où elle raconte toute l’histoire de la Valnéry et votre histoire à tous.

— Et pourquoi n’as-tu pas encore donné tout cela à la police ? balbutia Antoine en désignant Béchoux du doigt.

— Parce que je voulais d’abord te convaincre devant tous de fourberie et d’ignominie, et parce que je voulais ensuite te laisser un moyen de salut.

— Lequel ?

— Rends les diamants.

— Mais je ne les ai pas ! s’écria Antoine Fagerault avec un sursaut de fureur.

— Tu les as. Laurence Martin t’en accuse. Ils sont cachés.

— Où ?

— Dans l’hôtel de la Valnéry.

Antoine s’exaspéra :

— Tu le connais donc, cet hôtel inexistant ? Tu la connais cette demeure mystérieuse et fantastique ?

— Parbleu ! Le jour où Laurence a voulu acheter le conseiller municipal, chargé d’un rapport, et où j’ai su que ce rapport concernait l’élargissement d’une rue, il m’a été facile, connaissant la rue, de trouver l’emplacement d’un vaste hôtel ayant cour par-devant et jardin par-derrière.

— Eh bien, pourquoi ne nous as-tu pas conduits là-bas ? Si tu voulais me confondre et me réclamer les diamants que j’y ai cachés, pourquoi ne sommes-nous pas chez la Valnéry ?

— Nous y sommes, déclara tranquillement d’Enneris.

— Qu’est-ce que tu dis ?

— Je dis qu’il m’a suffi d’un peu de chloroforme pour t’endormir et pour te conduire ici, avec M. et Mme de Mélamare.

— Ici ?

— Oui, chez la Valnéry.

— Mais nous ne sommes pas chez la Valnéry ! Nous sommes rue d’Urfé.

— Nous sommes dans le salon où tu as dévalisé Régine et mené Arlette.

— Ce n’est pas vrai… Ce n’est pas vrai… marmotta Antoine, éperdu.

— Hein ? ricana d’Enneris, faut-il que l’illusion soit parfaite pour que toi-même, l’arrière-petit-fils de la Valnéry et le petit-fils de Dominique Martin, tu t’y laisses prendre !

— Ce n’est pas vrai ! Tu mens ! Ce n’est pas possible ! reprenait Fagerault en s’efforçant de discerner entre les objets certaines différences qui n’existaient pas.

Et Jean, impitoyable, reprenait :

— C’est ici ! C’est ici que tu as vécu avec les Martin ! Presque tout l’hôtel est vide. Mais cette pièce a tous ses meubles. L’escalier, la cour ont conservé leur aspect séculaire. C’est l’hôtel de la Valnéry.

— Tu mens ! tu mens ! bégayait Antoine, torturé.

— C’est ici. L’hôtel est cerné. Béchoux est venu de là-bas avec nous. Ses agents sont dans la cour et dans le sous-sol. C’est ici, Antoine Fagerault ! C’est ici que Dominique et que Laurence Martin, obsédés tous deux par la vieille demeure fatidique, revinrent de temps à autre. Veux-tu les voir ? Hein ? Veux-tu assister à leur arrestation ?