Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/59

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— Si on veut passer outre ?

— Impossible. Ta barbe est trop respectable.

— Cependant ?…

— Alors, tu te fais tuer sur place. En attendant, voici Gorgeret… Lâche-moi et, sans qu’il s’en aperçoive, environne-le.

Conformément aux instructions reçues, Gorgeret s’était affublé de son équipement d’homme du monde, habit luisant, trop étroit, craquant aux entournures, gibus si détraqué qu’il avait renoncé à l’ouvrir, face saupoudrée de farine. Sur l’épaule, fièrement, un vieux trench-coat couleur de tranchée, plié avec soin. Raoul l’aborda discrètement :

— Bon sang ! tu es méconnaissable. Un vrai gentleman… Tu vas passer tout à fait inaperçu…

« Il se fout de moi », dut penser de nouveau Gorgeret, car il eut une expression de colère.

— Tes hommes ?

— Quatre, affirma Gorgeret, qui en avait amené sept.

— Aussi bien camouflés que toi ?

Raoul jeta un coup d’œil circulaire et, tout de suite, nota six ou sept hommes qui pouvaient briguer l’honneur de capter tous les regards en tant que policiers déguisés en grands seigneurs. Dès lors, il se planta devant l’inspecteur pour que celui-ci ne réussît pas à le signaler à ses acolytes.

Le flot des arrivants coulait toujours. Raoul murmura :

— Le voilà…

— Où ? dit vivement Gorgeret.

— Derrière deux dames, près du contrôle… un grand type en haut-de-forme avec un cache-col de soie blanche.

Gorgeret se tourna et chuchota :

— Mais ce n’est pas lui… ce n’est pas le grand Paul…

— C’est le grand Paul, en monsieur chic.

L’inspecteur regarda plus attentivement :

— En effet… peut-être… Ah ! la crapule !