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LA MISÈRE EN AMÉRIQUE

vécu, appris et voulu — se préparait en moi. Je savais qu’au sortir de l’aventure insensée qui me retenait, j’allais être prête bientôt pour un nouveau monde où l’adaptation requise ne serait pas un amoindrissement, où la fausse réalité que l’on m’avait toujours opposée disparaîtrait enfin devant une vraie réalité. Ce ne serait pas tout de suite encore, mais chaque mois, chaque année me rapprocherait de ce pourquoi j’étais née.



Notes d’un journal

Fin mars… Toujours la lutte, toujours le cercle dont je ne peux sortir. Sans cesse quelque proposition arrive — cinéma, concerts, articles, conférences, mais le même scandale à la base.


Que de choses, que de choses ! Quelle roue de foire gigantesque et vertigineuse ! Je ne me reconnais pas et n’ai point le souci de me reconnaître. Je joue ma vie à la table d’une géante roulette et vais simplement au bout de mes forces. Je suis consciente d’une seule chose : les amitiés qui nourrissent mon présent, et la guerre que je soutiens pour défendre mon passé.


Pourquoi Miss Marbury qui connaît l’esprit français m’a-t-elle conseillé d’abandonner la bataille avec le Sunday American ? Est-elle donc si convaincue de ma défaite ? Dans ce cas, j’ai répondu que je combattrais quand même. On ne lutte pas seulement pour gagner… Elle m’a dit : « La chance est l’art de saisir la fortune qui passe. » Oui, mais il faut être attentif au dehors et le dehors m’ennuie. Nous sommes mal ensemble.