Page:Leblanc - La Vie extravagante de Balthazar, paru dans Le Journal, 1924-1925.djvu/17

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Du coup ils lâchèrent pied. Balthazar proclama qu’il n’entendait rien à toutes ces idioties de roman policier et qu’il s’en félicitait.

— Cependant… observa Coloquinte.

— Flûte ! Le trésor serait à deux pas de moi, que je ne bougerais pas.

Il se coucha sur un tapis de mousse, et il se disposait à allumer sa pipe, lorsque Coloquinte lui saisit le bras vivement. Un bruit de paroles venait du rond-point. Ils s’aplatirent sous les feuillages, et ils avisèrent deux hommes qui marchaient à reculons, les mains de l’un sur les épaules de l’autre, exactement comme ils l’avaient fait eux-mêmes. L’un d’eux était l’homme au béret basque.

Celui-là, comme Balthazar, se cogna le dos au tronc d’un arbre. Mais, contrairement à Balthazar, il vira tout de suite sur la gauche ainsi que son camarade.

Cinq minutes plus tard, on entendait le bruit d’un marteau qui frappe une plaque de zinc.

— Il fallait tourner à gauche, dit la jeune fille. Ils vont s’emparer du portefeuille.

Aucune puissance au monde n’eût induit Balthazar à s’y opposer. Mais les circonstances lui furent propices. Deux chevaux avançaient par une route qui traversait les bois à quelque distance. Des gendarmes apparurent. Le bruit du marteau avait cessé. Coloquinte se leva prudemment, puis appela Balthazar.

Dérangés dans leur besogne, les deux individus s’éloignaient sur la route à cent pas en avant des gendarmes.

— Dépêchons-nous, dit-elle, dans dix minutes ils seront de retour.

Elle courut et atteignit un chêne dont le tronc se divisait à hauteur d’homme, en trois branches maîtresses. Le creux ainsi formé était recouvert d’une plaque de zinc qui empêchait les eaux de croupir. Coloquinte se haussa comme elle put, en choisissant, d’après les empreintes des pas, le côté où les deux individus avaient travaillé. Elle trouva la brèche pratiquée dans la fermeture, y passa le bras, tâtonna et enfin saisit un objet qu’elle extirpa de la cuve.

C’était un petit portefeuille, ou plutôt une pochette de cuir, ficelée et cachetée.

— Voici, dit-elle en tendant l’objet à Balthazar.

Elle fut stupéfaite de sa pâleur. Il tremblait sur ses jambes, et elle dut le secourir pour qu’il ne s’affaissât point contre le pied de l’arbre.