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cognée des bûcherons résonnait au loin. De son poste il dominait les pelouses régulières du jardin et des lignes de tilleuls soigneusement taillés qui servent de promenades aux pensionnaires. En quelques jours, il connut les heures de récréation et les habitudes du couvent. Après le repas de midi, l’allée qui surplombe le ravin était réservée aux « grandes ».

Le quatrième jour seulement, la demoiselle aux yeux verts, que la fatigue sans doute avait retenue à l’intérieur du couvent, apparut dans cette allée. Chacune des grandes désormais sembla n’avoir d’autre but que de l’accaparer avec une jalousie manifeste qui les faisait se disputer entre elles.

Tout de suite Raoul vit qu’elle était transformée ainsi qu’un enfant qui sort de maladie et s’épanouit au soleil et à l’air plus vif de la montagne. Elle évoluait parmi les jeunes filles, vêtue comme elles, vive, allègre, aimable avec toutes, les entraînant peu à peu à jouer et à courir, et s’amusant si fort que ses éclats de rire retentissaient en échos jusqu’à la limite de l’horizon.

— Elle rit ! se disait Raoul, émerveillé, et non pas de son rire factice et presque douloureux de théâtre, mais d’un rire d’insouciance et d’oubli par où s’exprime sa vraie nature. Elle rit… Quel prodige !

Puis les autres rentraient pour les classes, et Aurélie demeurait seule. Elle n’en paraissait pas plus mélancolique. Sa gaieté ne tombait point. Elle s’occupait de petites choses, comme de ramasser des pommes de