Page:Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/172

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drait pour quitter cette prison où vous me tenez, et pour ne plus vous voir.

Il eut un geste découragé.

— Tais-toi… Je ne pourrais pas vivre… J’ai trop souffert pendant ton absence. J’aime mieux tout, tout plutôt que d’être séparé de toi. Ma vie entière dépend de ton regard, de ta vie…

Elle se dressa, et avec indignation, toute frémissante :

— Je vous défends de me parler ainsi. Vous m’avez juré que je n’entendrais plus jamais un mot de cette sorte, un de ces mots abominables…

Tandis qu’elle retombait assise, aussitôt épuisée, il s’éloignait d’elle et se jetait dans un fauteuil, la tête entre ses mains, les épaules secouées de sanglots, comme un homme vaincu, pour qui l’existence est un fardeau intolérable.

Après un long silence, il reprit, l’intonation sourde :

— Nous sommes plus ennemis encore qu’avant ton voyage. Tu es revenue toute différente. Qu’as-tu donc fait, Aurélie, non pas à Sainte-Marie, mais durant les trois premières semaines où je te cherchais comme un fou, sans penser au couvent ? Ce misérable Guillaume, tu ne l’aimais pas, cela je le sais… Cependant, tu l’as suivi. Pourquoi ? Et qu’est-il advenu de vous deux ? Qu’est-il advenu de lui ? J’ai l’intuition d’événements très graves, qui se sont produits… On te sent inquiète. Dans ton délire, tu parlais comme quelqu’un qui fuit sans cesse, et tu voyais du sang, des cadavres…

Elle frissonna.