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réveilla dans une chambre claire d’où elle voyait, par-dessus des jardins et des vergers, la sombre et majestueuse cathédrale de Clermont-Ferrand. Un ancien pensionnat, transformé en maison de repos et situé sur une hauteur, lui offrait l’asile le plus discret et le plus propre à rétablir définitivement sa santé.

Elle y passa des semaines paisibles, ne parlant à personne qu’à la vieille nourrice de Raoul, se promenant dans le pare, rêvant des heures entières, les yeux fixés sur la ville ou sur les montagnes du Puy-de-Dôme dont les collines de Royat marquaient les premiers contreforts.

Pas une seule fois Raoul ne vint la voir. Elle trouvait dans sa chambre des fleurs et des fruits que la nourrice y déposait, des livres et des revues. Lui, Raoul, se cachait au long des petits chemins qui serpentent entre les vignes des ondulations proches. Il la regardait et lui adressait des discours où s’exhalait sa passion chaque jour grandissante.

Il devinait aux gestes de la jeune fille et à sa démarche souple que la vie remontait en elle, comme une source presque tarie où l’eau fraîche afflue de nouveau. L’ombre s’étendait sur les heures effroyables, sur les visages sinistres, sur les cadavres et sur les crimes, et, par-dessus l’oubli c’était l’épanouissement d’un bonheur tranquille, grave, inconscient, à l’abri du passé et même de l’avenir.