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préfecture, le mépris avec lequel il se prêtait aux visites de son appartement, et par-dessus tout son sang-froid admirable, sa désinvolture et l’impertinence de sa conduite en face du neuvième personnage qui l’espionnait, tout cela dénotait un homme de caractère, puissant, équilibré, lucide, audacieux, sûr de lui et des cartes qu’il avait en mains.

Mais quelles étaient ces cartes ? Quelle partie jouait-il ? Qui tenait l’enjeu ? Et jusqu’à quel point se trouvait-on engagé de part et d’autre ? Lupin l’ignorait. Sans rien connaître, tête baissée, il se jetait au plus fort de la bataille, entre des adversaires violemment engagés, dont il ne savait ni la position, ni les armes, ni les ressources, ni les plans secrets. Car, enfin, il ne pouvait admettre que le but de tant d’efforts fût la possession d’un bouchon de cristal !

Une seule chose le réjouissait : Daubrecq ne l’avait pas démasqué. Daubrecq le croyait inféodé à la police. Ni Daubrecq, ni la police par conséquent, ne soupçonnaient l’intrusion dans l’affaire d’un troisième larron. C’était son unique atout, atout qui lui donnait une liberté d’action à laquelle il attachait une importance extrême.

Sans plus tarder, il décacheta la lettre que Daubrecq lui avait remise pour le secrétaire général de la préfecture. Elle contenait ces quelques lignes :

« À portée de ta main, mon bon Prasville ! Tu l’as touché ! Un peu plus, et ça y était… Mais tu es trop bête. Et dire qu’on n’a pas trouvé mieux que toi pour me faire mordre la poussière. Pauvre France ! Au revoir, Prasville ! Mais si je te pince sur le fait, tant pis pour toi, je tire !

« Signé : Daubrecq. »

— À portée de la main… se répéta Lupin après avoir lu. Ce drôle écrit peut-être la vérité. Les cachettes les plus élémentaires sont les plus sûres. Tout de même, tout de même, il faudra que nous voyions cela… Et il faudra voir aussi pourquoi le