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Pourtant il la trouva plus belle qu’il ne le croyait, de cette beauté émouvante que donne l’habitude de souffrir à certaines figures plus humaines, plus sensibles que d’autres.

Elle eut une expression si triste que, dans un élan de sympathie instinctive, il s’approcha d’elle et lui dit :

— Je ne sais pas quels sont vos projets, mais quels qu’ils soient, vous avez besoin de secours. Seule, vous ne pouvez pas réussir.

— Je ne suis pas seule.

— Ces deux hommes qui sont là ? Je les connais. Ils ne comptent pas. Je vous en supplie, usez de moi. Vous vous rappelez l’autre soir, au théâtre, dans la baignoire ? Vous étiez sur le point de parler. Aujourd’hui, n’hésitez pas.

Elle tourna les yeux vers lui, l’observa, et, comme si elle n’eût pu se soustraire à cette volonté adverse, elle articula :

— Que savez-vous au juste ? Que savez-vous de moi ?

— J’ignore bien des choses. J’ignore votre nom : mais je sais…

Elle l’interrompit d’un geste et, avec une décision brusque, dominant à son tour celui qui l’obligeait à parler :

— Inutile, s’écria-t-elle, ce que vous pouvez savoir, après tout, est peu de chose, et n’a aucune importance. Mais quels sont vos projets, à vous ? Vous m’offrez votre concours… en vue de quoi ? Si vous vous êtes jeté à corps perdu dans cette affaire, si je n’ai rien pu entreprendre sans vous rencontrer sur mon chemin, c’est que vous voulez atteindre un but… Lequel ?

— Lequel ? mon Dieu, il me semble que ma conduite…

— Non, fit-elle énergiquement, pas de mots. Il faut entre nous des certitudes, et, pour y arriver, une franchise absolue. Je vais vous donner l’exemple. M. Daubrecq possède un objet d’une valeur inouïe, non par lui-même, mais par ce qu’il représente.