Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce n’est pas Sam Smiling ! Vous n’avez vu sortir que cet homme ?

— Lui seulement, répondit l’inspecteur, à moins que l’autre ne se soit éclipsé pendant que nous nous assurions de celui-ci. En tout cas, il n’est pas passé par le portillon. Nous n’avons pas bougé d’ici.

— Alors, dit Max Lamar, il doit être resté dans la maison. Il suffit d’un de vous pour conduire le prisonnier au poste. Ne le perdez pas de vue. Vous deux, suivez-moi.

Et Max Lamar, avec les deux policemen, revint dans l’allée.

Là, il examina soigneusement toutes les maisons.

— Tiens, tiens ! dit-il tour à coup, voilà une arrière-boutique qui me paraît suspecte. Il désignait ainsi une porte fermée qui se trouvait voisine de celle de Sam Smiling.

Disons tout de suite que cette porte était celle de la deuxième boutique que le cordonnier avait louée et qui, par une communication secrète donnait dans le réduit que nous connaissons.

Qu’avait fait Sam Smiling ?

Lorsqu’il se fut aperçu, au bruit de la lutte, que Tom Dunn venait d’être happé par les policiers au seuil même du portillon, il s’était bien gardé de suivre le même chemin. Profitant de la minute précise où la surveillance du guetteur s’était relâchée, il avait ouvert la porte de la seconde arrière-boutique et pénétré dans cette dernière, où se trouvaient rassemblés les produits de ses vols.

Là il s’empressa de remplir ses poches de tout ce qu’il avait mis de côté, bijoux, valeurs, argent. Cette occupation dura environ trois minutes. Pendant ce temps, les bruits d’enfoncement de la cloison, dans l’autre boutique, arrivaient jusqu’à lui.

— Tape toujours, disait-il. C’est solide.

Tout à coup les bruits cessèrent. Sam supposa que Max Lamar avait forcé l’issue.

— Il est temps de déguerpir, pensa-t-il.

Ayant jeté un dernier coup d’œil autour de lui pour s’assurer qu’il n’oubliait rien, il ouvrit doucement la porte secrète qui donnait dans son magasin.

— Par là, je pourrai filer, puisqu’ils sont tous maintenant de l’autre côté de la maison.

Il était temps.

Au moment où Sam passait dans sa propre boutique, la porte du fond volait en éclats, et Max Lamar, suivi de ses deux policemen, faisait irruption dans la pièce.

Sans laisser à Sam le temps de refermer la porte secrète, il s’engagea derrière lui impétueusement.

Mais il poussa tout à coup un juron formidable.

Il venait de se jeter contre une table que le cordonnier avait mise en travers du passage.

D’un geste rapide, il se débarrassa de l’obstacle, et, bien qu’il eût le genou droit sérieusement contusionné, il partit comme une flèche derrière Sam Smiling, qui s’était déjà engagé dans la rue.

Alors, une poursuite fantastique commença.

Le cordonnier, bien que corpulent et plus âgé que Max, avait conservé une vigueur étonnante et une souplesse que lui aurait certainement enviée le plus robuste jeune homme.

Il détalait comme un cerf à travers les rues.

Max Lamar n’était pas non plus un homme à s’essouffler rapidement. Rompu à tous les exercices physiques et sachant, grâce à ses connaissances anatomiques, disposer harmonieusement du potentiel de tous ses organes, il allait d’un mouvement rythmique, mais sûr, et, peu à peu, il rattrapait l’avance qu’avait sur lui Sam Smiling.

Quant aux deux policiers ils étaient bien loin en arrière.

Aucun passant ne pouvait se mettre au travers de cette poursuite, qui avait lieu dans des terrains vagues et des voies peu fréquentées.