Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/226

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Et il ajouta, en lui soufflant sur les paupières :

— Maintenant, éveille-toi, ma chérie. Éveille-toi de ton long cauchemar. C’est ta vraie vie qui commence, ta vie de bonheur et de sécurité.

Florence ouvrit les yeux, regarda Max Lamar, lui sourit, puis, vaincue par la fatigue, elle referma les yeux presque aussitôt, mais, cette fois, sous l’influence d’un sommeil naturel et réparateur.

— Couchez-la, dit le docteur Lamar à Mary. Veillez bien sur elle. Je reviendrai avant ce soir.



XXXVII

Gordon a son heure


L’avocat Gordon avait repris son ancienne existence, sans toutefois se livrer à ses occupations professionnelles.

Le barreau de la ville, malgré l’intervention de ses membres les plus influents, n’avait pu l’admettre de nouveau. Il aurait fallu que Gordon apportât des preuves, de sa non-culpabilité. Une plainte avait été déposée contre lui. Il devait se justifier.

Malgré cela, tous ses confrères, individuellement, lui avaient rendu leur estime. Son passé avait été irréprochable jusqu’au jour de cette malheureuse affaire de la Coopérative Farwell, et tous ceux à qui Gordon était sympathique espéraient secrètement qu’un fait nouveau lui rendrait l’honneur en confondant celui qui l’accusait.

Silas Farwell, en effet, était cordialement détesté et peu de gens ajoutaient foi à cette histoire de l’argent reçu par l’avocat.

En attendant sa réhabilitation définitive, Gordon avait été accueilli de nouveau au club dont il était autrefois le familier et dont faisaient partie Lamar, Randolph Allen et Silas Farwell. Ce dernier s’était abstenu d’y venir depuis quelque temps, prétextant des occupations absorbantes, mais craignant en réalité d’y retrouver Gordon, lequel lui inspirait une juste terreur, où le remords n’entrait pour rien, car Farwell ignorait ce sentiment.

L’avocat apprit par les journaux du soir l’arrestation de Florence Travis.

Comme il lisait, tranquillement assis dans un fauteuil, au club, le Boston Evening, ses regards furent frappés par une manchette en capitales grasses. Il lut ceci :

L’identité de la dame au Cercle Rouge vient d’être révélée !
Arrestation de miss Florence Travis

Une nouvelle sensationnelle nous parvient. La mystérieuse dame au Cercle Rouge vient enfin d’être arrêtée. C’est une jeune fille du monde, appartenant à la plus haute société : miss Florence Travis…

Cette lecture frappa Gordon d’un choc en plein cœur. Il dut relire pour s’assurer qu’il n’était pas victime d’une hallucination.

— C’est stupéfiant, murmura-t-il. Florence Travis… La dame au Cercle Rouge…

Il poursuivit la lecture de l’article et connut tous les détails de l’arrestation.

Il resta perplexe. Il lui était impossible d’admettre que Florence Travis fût une criminelle. La reconnaissance qu’il lui avait vouée était si grande que rien au monde n’aurait pu l’en persuader.

— Elle m’a sauvé la vie à Surfton, se dit-il. Elle m’a sauvé l’honneur en même temps qu’elle risquait sa propre sécurité. Comment concilier ces actions courageuses et désintéressées avec l’hypothèse de faux et de vols commis par cette jeune fille ?