Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/232

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foule s’écoula dans les rues transversales.

Gordon ayant pris son chapeau quitta le club.

Dans le vestibule il rencontra Silas Farwell qui, en hâte, fuyait le Club dont on venait d’ailleurs de le rayer par acclamation.

— Vous triomphez, monsieur Gordon, siffla-t-il avec une rage haineuse en voyant l’avocat. Mais il y a quelqu’un qui paiera pour tout le monde. La dame au Cercle Rouge, Mlle Travis, celle qui vous a si bien défendu, est coupable, elle, et n’échappera pas à la justice.

Gordon eut un moment de colère, mais Randolph Allen qui arrivait s’interposa.

— Mon cher monsieur Gordon, lui dit-il, vous avez obtenu satisfaction autant que vous pouviez le désirer. Laissez aller cet homme. Si la justice doit un jour lui demander compte de ses actes, elle saura le faire, soyez-en sûr.

— Vous avez raison et je vous remercie, monsieur Allen. Cet individu ne mérite plus que le mépris des honnêtes gens et n’a plus aucun pouvoir.

Silas Farwell s’était éclipsé. Gordon continua, en s’adressant à Randolph Allen :

— Voulez-vous prendre la peine de m’accompagner, monsieur Allen ?

— Où cela ?

— Au palais de justice, si vous n’êtes pas trop pressé, toutefois. Je désire entretenir le bâtonnier de ce qui vient de se passer. Votre présence simplifiera grandement ma démarche.

Randolph Allen n’hésita pas. Il devait bien cette revanche à l’avocat Gordon. Il estimait avoir été injuste envers lui à diverses occasions, en attachant trop de crédit aux allégations de Silas Farwell.

— Mais très volontiers, dit-il. Je considère cela comme un devoir et un peu comme une réparation.

— Ne vous excusez pas, monsieur Allen, vous avez toujours été, au contraire, très bienveillant pour moi. Quand Farwell voulait vous obliger à me garder prisonnier, vous vous y êtes refusé. Je vous dois cette liberté qui m’a permis de mettre tout en œuvre pour obtenir ma justification définitive.

Les deux hommes arrivaient au palais de justice. Le bâtonnier se trouvait précisément dans la salle des Pas-Perdus. En apercevant Gordon, accompagné de Randolph Allen, il comprit qu’un fait nouveau s’était produit.

Il reçut les deux visiteurs avec la plus grande bienveillance et, quand Gordon lui eut exposé le but de leur visite, il parut s’en réjouir.

Gordon était, en effet, avant cette lamentable affaire, un avocat des plus estimés, et son absence avait privé le barreau d’un remarquable orateur doublé d’un homme de loi de première force.

Le bâtonnier, avec une parfaite bonne grâce, fit le tour de la salle avec Randolph Allen et Gordon, présentant ce dernier aux groupes d’avocats et d’hommes d’affaires, qui commentèrent favorablement la nouvelle de la réhabilitation de leur confrère.

Le bâtonnier lui promit que le conseil de l’Ordre, à sa prochaine réunion, donnerait à son cas la solution qu’il comportait.

— Vous serez de nouveau des nôtres. Et je souhaite que vous fassiez une brillante rentrée.

— J’en suis sûr, répondit Gordon. La première cause que je plaiderai sera un triomphe. C’est moi qui vous en réponds.