Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/235

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notre système de défense est étayé sur votre guérison. Cette guérison, soyez-en sûre, nous l’obtiendrons…

— J’en doute. Il me semble difficile d’empêcher le retour de cet abominable stigmate. Tenez, regardez plutôt…

Elle tendit la main sur laquelle paraissait en cet instant l’anneau écarlate.

— Je puis bien le montrer, maintenant. Vous voyez, il s’accentue. Pourtant, ajouta-t-elle, je reconnais que son influence est moins puissante. Sa présence ne s’accompagne pas comme d’ordinaire d’un désir violent et impérieux d’agir. Est-ce parce que je suis plus faible en ce moment-ci ?…

Max Lamar avait pris la main de Florence qu’il examinait avec attention.

— Je crois, dit-il, que les effets terribles du Cercle Rouge diminuent parce que la cause s’atténue elle-même. Voyez : la couleur en est d’un rouge moins vif. Cela tient à ce que, depuis quelques heures, je crois, votre volonté est plus équilibrée.

— Ma volonté… Ma volonté… Ah ! que ne puis-je m’en servir contre le retour de cette affreuse chose !…

— Écoutez-moi, Florence, dit Max Lamar, écoutez-moi et croyez-en la parole de celui qui vous aime. Il faut d’abord que je vous avoue loyalement ceci : tout à l’heure, vous trouvant évanouie, à cette même place, j’ai profité de votre sommeil pour vous suggérer l’idée d’une lutte plus opiniâtre et plus acharnée contre votre mal. Mais c’est un remède précaire, l’aide provisoire de ma force que je tentais d’ajouter à la vôtre. L’unique remède, et il est infaillible, c’est votre volonté à vous, et elle vous sauve déjà. Chez tous les êtres, il existe de ces tares douloureuses, qu’elles soient visibles ou non. Que ce soient des marques extérieures, ou des manies, ou des tics, ou de ces impulsions irraisonnées qu’on appelle, en psychologie médicale, des automatismes, elles échappent au contrôle de notre conscience, nous oppriment, nous diminuent, nous courbent sous leur joug despotique… jusqu’au jour où notre volonté, enfin libérée, enfin clairvoyante, se révolte et entreprend une lutte sans merci, une lutte de tous les instants. De ce jour, c’est fini. La tare peut durer encore. Le stigmate peut apparaître. N’importe. La victoire est acquise. L’instinct est vaincu. Ma Flossie, vous en êtes là. Quoi qu’il arrive et dussiez-vous voir encore sur votre main l’anneau rouge, virtuellement il n’existe plus.

Florence avait écouté profondément. Elle affirma :

— Je vous crois, Max.

— Vous me croyez, Florence… et vous voulez ?

Elle répéta, avec une exaltation croissante :

— Je veux ! je veux ! je veux !

Max Lamar regarda la chère petite main.

— Oh ! s’écria-t-il, tremblant d’espoir, voyez, Florence, votre énergie est la plus forte. Voyez ! la marque maudite s’efface et disparaît progressivement. Florence, elle est soumise à votre volonté !

Une flamme illumina le visage pâli de la jeune fille.

— Je veux ! je veux ! je veux ! murmura-t-elle, tendant toutes ses forces.

— Alors, laissez-vous convaincre, poursuivit Lamar ardemment, laissez-moi vous aider, vous soigner. En moins de six mois, je me fais fort d’avoir aboli l’influence héréditaire à laquelle vous sembliez condamnée à jamais. Mais, pour cela, il faut que vous soyez libre. Il faut fuir.

— Oui, oui, le docteur a raison, intervint Mary, qui était allée chercher dans la pièce voisine un manteau de voyage et une valise. Il faut partir, Florence. Je vous accompagnerai partout où vous irez.