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Étant donné la profonde expérience et la somme de connaissances acquises que dénotaient ses remarquables études sur la criminalité, sur les impulsions morbides, sur les tares héréditaires physiques et morales, on se serait attendu à voir un personnage d’âge mûr, un homme de cabinet, prématurément vieilli.

Max Lamar n’était rien de tout cela. À trente-six ans, il gardait tout l’aspect d’un jeune homme, grand, svelte, musclé, élégant et correct dans son complet sombre et bien coupé, il présentait l’image de la force souple et rapide.

L’intelligence était inscrite sur son large front que découvrait son épaisse chevelure noire. Dans ses yeux gris, pénétrants, clairs et assurés, dans toutes les lignes de son visage rasé, aux traits réguliers, au teint mat, on lisait la perspicacité, la décision et l’énergie, une énergie pouvant aller jusqu’à l’inflexibilité, jusqu’à la résolution la plus impitoyable… Mais quand il souriait, quand un sentiment de pitié ou de tendresse détendait ses traits, on se rendait compte de toute la bonté qu’il cachait sous son habituel sang-froid.

Ses amis disaient de lui qu’il était le plus sûr et le plus serviable des hommes, et cette opinion était partagée par tous les malheureux qu’il avait jugés dignes d’intérêt au cours de ses enquêtes et qu’il avait secourus avec une bienveillance éclairée et discrète.

Ses ennemis — c’est-à-dire quelques-uns des plus mauvais parmi les individus composant la misérable clientèle que lui assignaient ses fonctions — le redoutaient extrêmement. Tout le gibier de prison et d’asile qu’il visitait, tous les dévoyés, tous les alcooliques, tous les demi-fous, tous les monomanes dont il pesait les tares et mesurait le discernement tremblaient sous son regard scrutateur et, devant lui, oubliaient leurs mensonges.

Mais Max Lamar avait encore d’autres ennemis, il est vrai : un petit nombre de confrères de médiocre valeur et qui ne pouvaient lui pardonner d’avoir conquis, très jeune encore, une situation importante et élevée.

Ceux-là disaient que Max Lamar poussait si loin l’amour de son métier qu’il dépassait les bornes de ses fonctions et qu’il lui arrivait parfois de se laisser emporter par la curiosité professionnelle, par sa passion pour les investigations criminalistes, jusqu’à poursuivre des enquêtes sur le terrain qui n’est plus celui du médecin, mais du détective.

Mais lui, à ces critiques dont l’écho plusieurs fois lui était venu aux oreilles, répondait, en riant, de son rire tranquille :

— C’est vrai, c’est plus fort que moi. La solution d’un problème psychologique vaut plus pour moi que la solution d’un problème de science exacte. Il m’est difficile de résister à la tentation qui me saisit toujours de déchiffrer l’énigme que laisse derrière lui un malfaiteur habile.