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JE SAIS TOUT

ils ont dû le dire à Noël Dorgeroux, et comme ils y ont réussi sans doute avec lui. Émouvante conversation, où le grand visionnaire a puisé de telles forces et de telles certitudes que c’est à lui que je m’en réfère pour jeter dans le débat, avant de conclure, les deux preuves formelles qu’il voulut lui-même tracer sur le bas de l’écran durant les quelques secondes de son agonie – double affirmation de celui qui, en s’en allant, savait.

Rayon B… B. E. R. G. E…

En formulant ainsi sa croyance suprême au rayon B., Noël Dorgeroux ne désignait plus ce rayonnement inconnu qu’il avait naguère imaginé pour expliquer les phénomènes de l’écran, et qui eût été la matérialisation d’images nées en nous et projetées hors de nous. Plus clairvoyant, mieux averti par ses expériences, renonçant aussi à rattacher les faits nouveaux à l’action de la chaleur solaire, qu’il avait si souvent utilisée, il désignait nettement ces rayons de gravitation dont il connaissait l’existence par ma brochure, et peut-être par sa correspondance avec les Vénusiens, ces rayons que ceux-ci ont domestiqués, comme le sont, par le plus modeste photographe, les rayons lumineux.

Et les cinq lettres du mot Berge, ce n’est pas le début du mot Bergeronnette, erreur fatale dont fut victime Bérangère Massignac. C’est, presque en entier, le mot Berger. À l’instant de mourir, dans son cerveau déjà envahi de ténèbres, Noël Dorgeroux ne trouva pas, pour désigner Vénus, d’autre expression qu’Étoile du Berger, et sa main affaiblie ne put en tracer que quelques lettres. La preuve est donc formelle. Celui qui savait a eu le temps de dire l’essentiel de ce qu’il savait : Par le moyen des rayons de gravitation, l’Étoile du Berger envoie à la Terre des messages animés.

« Si l’on admet les déductions successives qui ont été énoncées dans ce rapport préliminaire — où j’espère qu’un jour on verra comme une réplique du rapport dérobé à Noël Dorgeroux — il reste encore d’innombrables points sur lesquels nous ne possédons aucun élément de vérité. Comment sont constitués les appareils d’observation et de projection employés par les Vénusiens ? Par quels mécanismes prodigieux réalisent-ils la fixité parfaite des projections entre deux astres animés chacun de mouvements aussi compliqués dans l’espace (pour la Terre seule, on en connaît jusqu’ici dix-sept ?) Et même, tout près de nous, quelle est la nature de l’écran employé aux projections de Meudon ? Quelle est cette couche gris foncé dont il est enduit ? Comment se décompose-t-elle ? Comment peut-elle reconstituer les images ? Autant de questions que notre science est impuissante à résoudre. Mais du moins elle n’a pas le droit de les déclarer insolubles, et j’affirme même qu’elle a le devoir de les étudier par tous les moyens que les pouvoirs publics sont tenus de mettre à sa disposition. On dit que le sieur Massignac a disparu. Qu’on profite de l’occasion. Que l’on déclare l’amphithéâtre de Meudon propriété nationale ! Il est inadmissible qu’un individu reste, au détriment de toute l’humanité, possesseur d’aussi formidables secrets, et puisse, s’il lui plaît, les anéantir à jamais. Cela ne doit pas être. D’ici quelques jours nous devons entrer en relations ininterrompues avec les habitants de Vénus. Ils nous raconteront l’histoire millénaire de notre passé, nous révéleront les grandes énigmes qu’ils ont élucidées, et nous feront bénéficier des conquêtes d’une civilisation auprès de laquelle la nôtre semble n’être encore que désordre, ignorance, et balbutiement de sauvages… »

VII

Les lèvres jointes.

Il suffit de lire les journaux de l’époque pour se rendre compte que l’émoi causé par les visions de Meudon atteignit sa période aiguë à la suite du mémoire de Benjamin Prévotelle. J’en ai quatre sur ma table, de ces journaux, datés