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JE SAIS TOUT

— Velmot ! Velmot ! l’ennemi dont elle a horreur !… En effet, tout est à craindre de celui-ci. Heureusement il ignore sa retraite !

— Il la connaît depuis hier, m’écriai-je.

— Soit, mais il lui faut le temps de se préparer, de combiner son coup.

— Ce matin, on l’a vu non loin d’ici, des gens du village.

Je commençai à le mettre au courant. Il n’attendit pas que j’eusse achevé. Aussi inquiet que moi, il m’entraîna vers un pavillon isolé que Bérangère occupait.

Il frappa. On ne répondit pas. Cependant la porte du pavillon était ouverte. Il entra et monta dans la chambre de la jeune fille. Bérangère n’était pas là.

Le comte ne parut pas trop surpris.

— Elle sort souvent de bonne heure, dit-il.

— Peut-être se trouve-t-elle dans la maison même ? insinuai-je.

— Avec ma femme ? Non, ma femme, un peu souffrante, n’est pas encore levée.

— Alors ?

— Alors je suppose qu’elle aura fait sa promenade habituelle aux ruines de l’ancien château. Elle aime cet endroit qui domine Bougival et tout le fleuve.

— Est-ce loin ?

— Non, à l’extrémité du parc.

Tout de même, le parc s’étendait sur une assez grande profondeur, et il nous fallut quatre ou cinq minutes de course avant de parvenir à un rond-point, d’où l’on apercevait, juchés en haut d’une crête, parmi des écoulements de pierres, quelques pans de mur.

— Tenez, fit le comte, Bérangère est venue jusqu’à ce banc. Elle y a laissé le livre qu’elle lisait.

— Et une écharpe aussi, affirmai-je anxieusement… regardez… une écharpe froissée… Et puis l’herbe de ce rond-point porte des marques de piétinement… Mon Dieu, pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé, à la pauvre enfant !

Je n’avais pas achevé ces mots que nous entendîmes des cris du côté des ruines… Cris d’appel ou de douleur, nous n’aurions pas pu le dire. Nous nous élançâmes aussitôt sur l’étroit sentier qui escaladait la colline en coupant les lacets du chemin forestier. Comme nous étions à moitié route, les cris recommencèrent, et soudain une silhouette de femme jaillit d’entre les pierres écroulées de l’ancien château.

— Bérangère ! appelai-je en redoublant de vitesse.

Elle ne me vit point. Elle fuyait comme une personne poursuivie, tout en profitant des abris que pouvaient lui offrir les ruines. De fait un homme apparut, le revolver au poing, la cherchant et la menaçant.

— C’est lui ! balbutiai-je… c’est Velmot !

L’un après l’autre, ils étaient rentrés dans l’amas des ruines dont une quarantaine de mètres nous séparaient tout au plus. Nous les franchîmes en quelques secondes et, le premier, je me précipitai vers l’endroit par où Bérangère s’était glissée.

Comme j’y arrivais, un coup de feu retentit à quelque distance, et des gémissements s’élevèrent. Malgré mes efforts, je ne pouvais plus avancer, le passage étant encombré de ronces et de rameaux de lierre. Mon compagnon et moi, nous nous acharnions désespérément contre les branches qui nous écorchaient la figure. Enfin, nous débouchâmes sur un vaste terre-plein, où, tout d’abord, nous ne vîmes rien parmi l’herbe haute et les rochers moussus. Cependant ce coup de feu que nous avions entendu ?… ces plaintes toutes proches ?…

Soudain le comte qui cherchait un peu plus loin que moi, s’abattit à genoux, et s’exclama :