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double les clefs qui ouvrent les placards de ces pièces ? Oui ? Parfait. Eh bien, dès qu’ils dormiront, ou plutôt dès que tu seras sûr qu’ils dorment profondément, pénètre chez eux et fouille les placards. Il est inévitable que chacun d’eux y cachera sa part de butin. Tu la trouveras facilement. Ce sont les quatre portefeuilles que tu connais. Mets-les dans ton sac de voyage, décampe au plus vite et rejoins-moi.

Une nouvelle pause. Cette fois Essarès écoutait. Il reprit :

— Qu’est-ce que tu dis ? Rue Raynouard ? Ici ? Me rejoindre ici ? Mais tu es fou ! T’imagines-tu que je puisse rester maintenant, après la dénonciation du colonel ? Non, va m’attendre à l’hôtel, près de la gare. J’y serai vers midi ou une heure, peut-être plus tard. Ne t’inquiète pas. Déjeune tranquillement et nous aviserons. Allô, c’est compris ? En ce cas, je réponds de tout. À tantôt.

La communication était terminée, et l’on eût pu croire que, toutes ces mesures prises pour rentrer en possession des quatre millions, Essarès n’avait plus aucun sujet d’inquiétude. Il raccrocha les récepteurs, gagna le fauteuil où il avait subi la torture, tourna le dossier du côté du feu, s’assit, rabattit sur ses pieds le bas de son pantalon, mit ses chaussettes et enfila ses chaussons, tout cela péniblement, et non sans quelques grimaces de douleur, mais calmement, et comme un homme qui n’a pas besoin de se presser.

Coralie ne le quittait pas des yeux.

- Je devrais partir, pensa le capitaine Belval, un peu gêné à l’idée de surprendre