Page:Leblanc - Les Confidences d’Arsène Lupin.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des préjugés de l’ancien régime. Dans sa jeunesse, il avait suivi le comte de Chambord en exil. Devenu vieux, il refusait un siège au Palais-Bourbon sous prétexte qu’un Sarzeau ne peut s’asseoir qu’entre ses pairs.

L’aventure le toucha au vif. Il ne décolérait pas, invectivant Lupin à coups d’épithètes sonores, le menaçant de tous les supplices possibles, s’en prenant à sa fille.

« Voilà ! si tu t’étais mariée !… Ce ne sont pourtant pas les partis qui manquaient ! Tes trois cousins, Mussy, d’Emboise et Caorches sont de bonne noblesse, bien apparentés, suffisamment riches, et ils ne demandent encore qu’à t’épouser. Pourquoi les refuses-tu ? Ah ! c’est que Mademoiselle est une rêveuse, une sentimentale, et ses cousins sont trop gros, ou trop maigres, ou trop vulgaires !…

C’était une rêveuse, en effet. Livrée à elle-même depuis son enfance, elle avait lu tous les livres de chevalerie, tous les fades romans d’autrefois qui traînaient dans les armoires de ses aïeules, et elle voyait la vie comme un conte de fées où les jeunes filles très belles sont toujours heureuses, tandis que les autres attendent jusqu’à la mort le fiancé qui ne vient pas. Pourquoi eût-elle épousé l’un de ses cousins, puisqu’ils n’en voulaient qu’à sa dot, aux millions que sa mère lui avait laissés ? Autant rester vieille fille et rêver…

Elle répondit doucement :

« Vous allez vous rendre malade, mon père. Oubliez cette histoire ridicule. »

Mais comment aurait-il oublié ? Chaque matin un coup d’épingle ravivait sa blessure. Trois