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— Vous êtes soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de l’ingénieur Fauville et de son fils Edmond.

— Hippolyte est mort !

Le cri fut spontané, comme inconscient, cri de stupeur et d’effroi, qui jaillissait d’un être bouleversé jusqu’au plus profond de son âme. Et c’était tellement étrange, cette stupeur, tellement imprévu cette question par laquelle il voulait faire croire à une ignorance inadmissible !

Il répéta, la voix sourde, avec un tremblement nerveux :

— Hippolyte est mort ? Qu’est-ce que vous dites là ? Est-ce possible qu’il soit mort ? Et comment ? Assassiné ? Edmond également ?

Le préfet haussa de nouveau les épaules.

— Le fait même que vous appeliez M. Fauville par son prénom montre que vous étiez dans son intimité. Et en admettant que vous ne soyez pour rien dans son assassinat, la lecture des journaux depuis quinze jours eût suffi à vous l’apprendre.

— Je ne lis jamais de journaux, monsieur le préfet.

— Hein ! vous allez prétendre…

— Cela peut être invraisemblable, mais c’est ainsi. Je vis une existence de travail, m’occupant exclusivement de recherches scientifiques en vue d’un ouvrage de vulgarisation, et sans prendre la moindre part ni le moindre intérêt aux choses de dehors. Je défie donc qui que ce soit au monde de prouver que j’aie lu un seul journal depuis des mois et des mois. Et c’est pourquoi j’ai le droit de dire que j’ignorais l’assassinat d’Hippolyte Fauville.

— Cependant vous connaissiez M. Fauville.

— Je l’ai connu autrefois, mais nous nous sommes fâchés.

— Quelles raisons ?

— Des affaires de famille…

— Des affaires de famille ! Vous étiez donc parents ?

— Oui, Hippolyte était mon cousin.

— Votre cousin ! M. Fauville était votre cousin ? Mais… mais alors… Voyons, précisons. M. Fauville et sa femme étaient les enfants de deux sœurs, Élisabeth et Armande Roussel. Ces deux sœurs avaient été élevées avec un cousin germain du nom de Victor.

— Oui, Victor Sauverand, issu du grand-père Roussel, Victor Sauverand s’est marié à l’étranger et il a eu deux fils. L’un est mort il y a quinze ans. L’autre, c’est moi.