Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/145

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Il est inutile de rappeler encore à ce propos ce qu’on pourrait appeler l’ahurissement du public. Dans les conditions où il se produisait, le fait prenait l’apparence d’un tour de passe-passe. Plutôt que l’intervention d’un personnage disposant de moyens ignorés, on était tenté de voir là le divertissement d’un prestidigitateur doué d’une adresse prodigieuse.

Il n’en restait pas moins établi que les indications de don Luis Perenna se trouvaient justifiées, et que la date du 25, comme celle du 15 avril, avait suscité l’incident prévu. La date du 5 mai continuerait-elle la série ? Nul n’en douta, puisque don Luis l’avait prédit, et qu’il semblait à tous que don Luis ne pût pas se tromper. Et toute la nuit du 5 au 6 mai, il y eut foule sur le boulevard Suchet. Des curieux, des noctambules venaient en bande chercher les nouvelles.

Le préfet de police lui-même, vivement impressionné par le double miracle, voulut se rendre compte et assister en personne aux opérations de la troisième nuit. Il se fit accompagner de plusieurs inspecteurs qu’il laissa dans le jardin, dans le couloir et dans la mansarde de l’étage supérieur. Lui-même s’établit au rez-de-chaussée avec le sous-chef Weber, avec Mazeroux et avec don Luis Perenna.

L’attente fut déçue. Et cela par la faute de M. Desmalions. Malgré l’avis formel de don Luis qui jugeait l’expérience inutile, il avait décidé, afin de savoir si la lumière empêcherait le miracle de se produire, de ne pas éteindre l’électricité. Dans de telles conditions, aucune lettre ne pouvait surgir, et aucune lettre ne surgit. Truc de magicien ou stratagème de malfaiteur, il fallait le secours de l’ombre propice.

C’étaient donc dix jours perdus, si tant est que le correspondant diabolique osât renouveler sa tentative et produire la troisième lettre mystérieuse.

Le 15 mai, la faction recommença, tandis qu’une même foule s’accumulait dehors, une foule anxieuse, haletante, remuée par les moindres bruits et qui, les yeux fixés sur l’hôtel Fauville, gardait un silence impressionnant. Cette fois, on éteignit. Mais le préfet de police tenait la main sur l’interrupteur électrique. Dix fois, vingt fois, il alluma inopinément sur la table, rien. C’était le craquement d’un meuble qui avait éveillé son attention, ou le geste d’un des assistants.