Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/158

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— Son amant !… son amant !… grinçait-il. Eh ! parbleu, oui, comme ça, tout s’explique. Ils se sont ligués tous les deux contre leur complice, Marie-Anne Fauville, et c’est la malheureuse qui paiera seule l’effroyable série de crimes. Est-elle leur complice même ? Qui sait ! Qui sait si ce couple de démons n’est pas capable, après avoir tué l’ingénieur Fauville et son fils, d’avoir machiné la perte de Marie-Anne, dernier obstacle qui les séparait de l’héritage Mornington ? Pourquoi pas ? Est-ce que tout ne concorde pas avec cette hypothèse ? Est-ce que la liste des dates n’a pas été trouvée par moi dans un volume appartenant à Florence ? Est-ce que la réalité ne prouve pas que les lettres ont été communiquées par Florence ?… Ces lettres accusent aussi Gaston Sauverand ? Qu’importe ! Il n’aime plus Marie-Anne, mais Florence… Et Florence l’aime… Elle est sa complice, sa conseillère, celle qui vivra près de lui et qui jouira de sa fortune… Parfois, certes, elle affecte de défendre Marie-Anne… Cabotinage ! Ou peut-être remords, effarement à l’idée de tout ce qu’elle a fait contre sa rivale et du sort qui attend la malheureuse !… Mais elle aime Sauverand. Et elle continue la lutte sans pitié, sans repos. Et c’est pour cela qu’elle a voulu me tuer, moi, l’intrus, moi dont elle craignait la clairvoyance… Et elle m’exècre… et elle me hait…

Dans le ronflement du moteur, dans le sifflement des arbres qui s’abattaient à leur rencontre, il murmurait des paroles incohérentes. Le souvenir des deux amants, tendrement enlacés, le faisait crier de jalousie. Il voulait se venger. Pour la première fois, l’envie, la volonté du meurtre, bouillonnait en son cerveau tumultueux.

— Nom d’un chien, gronda-t-il tout à coup, le moteur a des ratés. Mazeroux !

— Hein ! quoi ! patron, vous saviez donc que j’étais là, vociféra Mazeroux en jaillissant de l’ombre où il se tenait enfoui.