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M. Mazeroux est avec moi. Donnez. Et qu’on ne me dérange plus.

Il déchira l’enveloppe. La lettre, écrite au crayon, hâtivement, et signée par un des inspecteurs qui cernaient l’hôtel, contenait ces mots :

« Attention, brigadier, Gaston Sauverand est dans la maison. D’après deux personnes qui demeurent en face, la jeune fille, que l’on connaît dans le quartier comme l’intendante de l’hôtel, est entrée, il y a une heure et demie, avant que nous ne prenions notre faction. On l’a vue, ensuite, à la fenêtre du pavillon qu’elle occupe. Et puis, quelques instants plus tard, une petite porte basse, qui doit être employée pour le service de la cave, et qui est située sous ce pavillon, a été entrouverte, par elle, évidemment. Presque aussitôt, un homme a débouché sur la place, a longé les murs, et s’est glissé dans la cave. Pas d’erreur. D’après le signalement, c’est Gaston Sauverand. Donc, attention, brigadier. À la moindre alerte, au premier signal de vous, nous entrons. »

Don Luis réfléchit. Il comprenait, maintenant, comment le bandit avait accès chez lui et comment il pouvait impunément, caché dans la retraite la plus sûre, échapper à toutes les recherches. Lui, Perenna, il habitait chez celui-là même qui s’était déclaré son plus terrible adversaire.

« Allons, se dit-il, le bonhomme est réglé… et sa demoiselle aussi. Les balles de mon revolver ou les menottes de la police, c’est à leur choix. »

Il ne songeait même plus à son auto, toute prête en bas. Il ne songeait plus à la fuite de Florence. S’il ne les tuait pas l’un et l’autre, la justice mettrait sur eux sa main qui ne relâche pas. Aussi bien, il valait mieux qu’il en fût ainsi, et que la société punît elle-même les deux coupables qu’il allait lui offrir.

Il referma la porte, poussa le verrou, se remit en face de ses deux captifs, et prenant une chaise, dit à Sauverand :

— Causons.

La pièce où ils se trouvaient, étant de dimensions restreintes, les rapprochait les uns des autres, de telle sorte que don Luis avait la sensation de toucher presque à cet homme qu’il exécrait jusqu’au plus profond de son âme. Un mètre à peine séparait leurs deux chaises. Une table longue, couverte de livres, se dressait entre eux et la fenêtre, dont l’embrasure, percée à travers le mur très épais, formait un recoin comme dans les vieilles demeures.