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la lecture du journal qui publia votre déposition. À tout prix ; et sans perdre une heure, je mettrais entre vos mains le sort de Marie-Anne. J’attendis votre retour, et je suis venu. »

Ce n’était pas le même homme qui, au début de l’entretien, faisait montre d’un tel sang-froid. Épuisé par son effort et par une lutte qui durait depuis des semaines, et où il avait dépensé vainement tant d’énergie, il tremblait à présent, et, s’accrochant à don Luis, un de ses genoux sur le fauteuil auprès duquel don Luis se tenait debout, il balbutiait :

Le sous-chef est accompagné de six hommes…

— Sauvez-la, je vous en supplie… vous en avez le pouvoir… Oui, vous avez tous les pouvoirs… J’ai appris à vous connaître en vous combattant… C’est plus que votre génie qui vous défendait contre moi, c’est une chance heureuse qui vous protège. Vous êtes différent des autres hommes. Mais tenez, tenez, le fait seul de ne pas m’avoir tué, dès le début, moi qui vous avais poursuivi si férocement, le fait de m’écouter et d’accueillir comme admissible cette vérité inconcevable de notre innocence à tous les trois, mais c’est un miracle inouï ! Et pendant que je vous attendais et que je m’apprêtais à vous parler, j’ai eu l’intuition de tout cela ! J’ai vu clairement que l’homme qui, sans autre guide que sa raison, criait l’innocence de Marie-Anne, que cet homme-là pouvait seul la sauver, et qu’il la sauverait. Ah ! sauvez-la, je vous en conjure… Et sauvez-la dès maintenant. Sinon, dans quelques jours, Marie-Anne aura vécu. Il est impossible qu’elle vive en prison. Vous voyez, elle veut mourir… Aucun obstacle ne l’en empêchera. Est-ce qu’on peut empêcher quelqu’un de se tuer ?… Et quelle horreur, s’il elle mourait !… Ah ! s’il faut un coupable à la justice, j’avouerai tout ce qu’on voudra. J’accepterai toutes les charges et je me réjouirai de tous les châtiments, mais que Marie-Anne soit libre ! Sauvez-la… Moi, je n’ai pas su… je ne sais pas ce qu’il faut faire… Sauvez-la de la prison et de la mort… Sauvez-la…, je vous en prie… sauvez-la !

Des larmes coulaient sur son visage que