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Lorsque don Luis fut installé dans sa chambre et qu’il eut avalé deux ou trois morceaux de pain et bu en conséquence il raconta :

— Un rude courage, mon vieux. Bigre ! quand les idées tournent et qu’on n’a pas son cerveau à soi, parole d’honneur, on ne demande qu’à se laisser aller. Je creusais pourtant, ainsi que tu l’as vu, je creusais, à moitié endormi, comme dans un cauchemar. Tiens, regarde, j’ai les doigts en marmelade. Seulement, voilà, je pensais à cette sacrée histoire de l’explosion, et coûte que coûte, je voulais vous avertir, et je creusais mon tunnel ! Quel métier ! et puis, v’lan, j’ai senti le vide, ma main passait, et puis le bras. Où étais-je ? Parbleu, au-dessus du téléphone. Je m’en rendis compte aussitôt, en tâtant le mur et en rencontrant les fils. Alors ce fut tout un manège, qui dura bien une demi-heure, pour atteindre l’appareil. Je n’avais pas le bras assez long. C’est avec une ficelle et un nœud coulant que je réussis à pêcher le récepteur et à le tenir près de ma bouche, ou du moins à trente centimètres de ma bouche. Et je criais pour qu’on entendît ! Et je gueulais ! Et je souffrais ! Et puis, à la fin, ma ficelle a craqué… Et puis… et puis, j’étais à bout de forces… D’ailleurs, quoi, vous étiez prévenus, c’est à vous de vous débrouiller.

Il leva la tête vers Mazeroux, et lui demanda, comme s’il n’eût pas douté de la réponse :

— L’explosion a eu lieu, n’est-ce pas ?

— Oui, patron.

— À trois heures précises ?

— Oui.

— Et, bien entendu, M. Desmalions avait fait évacuer l’hôtel ?

— Oui.