Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

» Je l’accuse donc, en résumé, et sans tenir compte de sa participation aux autres crimes, — assassinat de l’inspecteur Vérot, assassinat de mon chauffeur, — je l’accuse d’avoir tué Cosmo Mornington, d’avoir tué Edmond Fauville, d’avoir tué Hippolyte Fauville, d’avoir tué Marie-Anne Fauville, d’avoir tué Gaston Sauverand, d’avoir tué, en définitive, tous ceux qui se trouvaient entre les millions et lui.

» Et ces derniers mots, monsieur le préfet, vous confirment clairement ma pensée. Si un homme supprime cinq de ses semblables pour toucher un certain nombre de millions, c’est qu’il est convaincu que cette suppression lui assurera fatalement et mathématiquement la possession de ces millions. Bref, si un homme supprime un millionnaire et ses quatre héritiers successifs, c’est qu’il est, lui, le cinquième héritier de ce millionnaire. Dans un instant, cet homme sera ici. »

— Quoi !

L’exclamation du préfet de police fut spontanée. Il oubliait toute l’argumentation, si puissante et si serrée, de don Luis Perenna, pour ne songer qu’à l’apparition stupéfiante que don Luis annonçait. Et celui-ci répliqua :

— Monsieur le préfet, cette visite est la conclusion rigoureuse des accusations que je porte. Rappelez-vous que le testament de Cosmo Mornington est formel : les droits d’un héritier ne seront valables que si cet héritier assiste à la réunion d’aujourd’hui.

— Et s’il ne vient pas ? s’écria le préfet, prouvant ainsi que la conviction de don Luis avait peu à peu raison de ses doutes.

— Il viendra, monsieur le préfet. Sinon, toute cette affaire n’aurait plus aucune espèce de sens. Réduite aux crimes et aux actes de l’ingénieur Fauville, elle pouvait être considérée comme l’œuvre absurde d’un fou. Poussée jusqu’à la mort de Marie-Anne Fauville et de Gaston Sauverand, elle exige comme dénouement inévitable l’apparition d’un personnage qui, dernier descendant de la famille Roussel, de Saint-Étienne, et, par conséquent, héritier dans toute la force du terme, et avant moi, de Cosmo Mornington, viendra réclamer les deux cents millions qu’il a conquis par tant d’épouvantable audace.

— Et s’il ne vient pas ? s’exclama de nouveau, avec plus de véhémence, M. Desmalions.