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les sentiments que la révélation de ces faits devait produire en elle ?

Plus encore qu’il ne surveillait la jeune fille, don Luis observait M. Desmalions, et tâchait de lire la pensée secrète de celui qui allait décider. Et soudain il vit avec une telle certitude que l’arrestation de Florence était chose résolue, comme peut l’être l’arrestation du plus monstrueux criminel, qu’il s’approcha de la jeune fille et lui dit :

— Florence.

Elle leva sur lui ses yeux brouillés de pleurs et ne répliqua point.

Alors il s’exprima lentement :

— Pour vous défendre, Florence, car vous êtes, à votre insu, je n’en doute pas, dans l’obligation de vous défendre, il faut que vous compreniez la situation terrible où vous placent les événements. Florence, M. le préfet de police a été conduit, par la logique même de ces événements, à cette conviction définitive que la personne qui entrera dans cette pièce et dont les droits à l’héritage seront évidents est la personne même qui a tué les héritiers Mornington. Vous êtes entrée, Florence, et vous êtes l’héritière certaine de Cosmo Mornington.

Il la vit qui frémissait des pieds à la tête, et qui devenait pâle comme une morte. Pourtant elle n’eut pas un mot de protestation et pas un geste.

Il reprit :

— L’accusation est précise, vous n’y répondez pas ?

Elle resta longtemps sans parler, puis déclara :

— Je n’ai rien à répondre. Tout cela est incompréhensible. Que voulez-vous que je réponde ? Ce sont des choses si obscures !…

En face d’elle don Luis frissonnait d’angoisse. Il balbutia :

— C’est tout ?… Vous acceptez ?…

Au bout d’un instant, elle dit à mi-voix :

— Expliquez-vous, je vous en supplie. Vous voulez dire, n’est-ce pas ? qu’en ne répondant pas j’accepte l’accusation…

— Oui.

— Et alors ?

— C’est l’arrestation… la prison…

— La prison !

Elle parut souffrir atrocement. La peur décomposait son beau visage. La prison, pour elle, cela devait représenter les tortures subies par Marie-Anne et par Sauverand. Cela devait signifier le désespoir, la honte, la mort, toutes ces horribles choses