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— Tu as le mandat ?

— J’ai le mandat.

— Et après ?

— Après, rien… La Santé… l’instruction…

— Mais, bougre de sort, le tigre file pendant ce temps… Non, non, mais faut-il en avoir une couche !… Quelles gourdes que ces gens-là ! Ah ! cré tonnerre !

Il écumait de rage, lorsqu’il s’aperçut que l’on entrait dans la cour du Dépôt, il se raidit, désarma le sous-chef, étourdit d’un coup de poing l’un des agents.

Mais dix hommes se pressaient aux portières. Toute résistance était inutile. Il le comprit et sa fureur redoubla.

— Tas d’idiots ! proféra-t-il, tandis qu’on l’entourait et qu’on le fouillait à la porte du greffe. Tas de ratés ! Saboteurs ! Est-ce qu’on cochonne une affaire comme ça ! Ils ont le bandit à portée de la main et c’est l’honnête homme qu’ils coffrent… Et le bandit s’esbigne… Et le bandit va faire un massacre… Florence… Florence…

À la lueur des lampes, au milieu des policiers qui le maintenaient, il était magnifique d’impuissance et d’énergie.

On l’entraîna. Avec une force inouïe il se dressa, secoua les hommes accrochés à lui comme une meute pendue à la chair de quelque bête agonisante et indomptable, se débarrassa de Weber, et, apostrophant Mazeroux, le tutoyant, superbe d’autorité, presque calme tellement il semblait dominer la rage qui bouillonnait en lui, il ordonna, en petites phrases haletantes, brèves comme des commandements militaires :

— Mazeroux, saute chez le préfet !… Qu’il téléphone à Valenglay… Oui, le ministre, président du Conseil… Je veux le voir… Qu’on le prévienne. Qu’on lui dise que c’est moi… moi, l’homme qui a fait marcher le