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Hippolyte Fauville, tourné vers le mur, dormait.

Perenna eut un soupir de soulagement. Il revint dans le couloir et secouant Mazeroux :

— À ton tour, Alexandre.

— Rien de nouveau, patron ?

— Non, non, rien, il dort.

— Comment le savez-vous donc ?

— J’ai été le voir.

— C’est drôle, je n’ai pas entendu. C’est vrai que je pionçais comme une brute.

Il suivit dans la pièce Perenna, qui lui dit :

— Assieds-toi et ne le réveille pas. Je vais m’assoupir un instant.

Il reprit encore une faction. Mais, même en sommeillant, il gardait conscience de tout ce qui se passait autour de lui.

Une pendule sonnait les heures à voix basse, et, chaque fois, Perenna comptait. Puis ce fut la vie du dehors qui s’éveilla, les voitures de laitiers qui roulèrent, les premiers trains de banlieue qui sifflèrent.

Dans l’hôtel aussi, l’agitation commença.

Le jour filtrait par les interstices des volets, et la pièce peu à peu s’emplissait de lumière.

— Allons-nous-en, dit le brigadier Mazeroux. Il vaut mieux qu’il ne nous trouve pas ici.

— Tais-toi, ordonna don Luis en accompagnant son injonction d’un geste impérieux.

— Mais pourquoi ?

— Tu vas le réveiller.

— Vous voyez bien qu’il ne se réveille pas, fit Mazeroux sans baisser le ton.

— C’est vrai… c’est vrai…, chuchota don Luis, étonné que le son de cette voix n’eût pas troublé le dormeur.

Et il se sentit envahi par la même angoisse qui l’avait bouleversé au milieu de la nuit. Angoisse plus précise, quoiqu’il ne voulût pas, qu’il n’osât pas, se rendre compte du motif qui la suscitait.

— Qu’est-ce que vous avez, patron ? Vous êtes tout chose. Qu’y a-t-il ?

— Rien… rien… j’ai peur.

Mazeroux frissonna.

— Peur de quoi ? Vous dites ça comme il le disait hier soir, lui.

— Oui… oui… et pour la même cause.

— Mais enfin ?…

— Tu ne comprends donc pas ?… Tu ne comprends donc pas que je me demande…

— Quoi donc ?

— S’il n’est pas mort !