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— Mais vous êtes fou, patron !

— Non… je ne sais pas… seulement… seulement… j’ai l’impression de la mort.

Sa lanterne à la main, il demeurait comme paralysé en face du lit, et, lui qui ne craignait rien au monde, il n’avait pas le courage d’éclairer le visage d’Hippolyte Fauville. Un silence terrifiant s’accumulait dans la pièce.

— Oh ! patron, il ne bouge pas…

Sa lanterne électrique à la main, il s’approcha du lit.

— Je sais… je sais… et je m’aperçois maintenant qu’il n’a pas bougé une seule fois cette nuit. Et c’est cela qui m’effraie.

Il dut faire un réel effort pour avancer. Il toucha presque au lit.

L’ingénieur ne semblait pas respirer.

Résolument il lui prit la main.

Elle était glacée.

D’un coup Perenna reprit tout son sang-froid.

— La fenêtre ! ouvre la fenêtre ! cria-t-il.

Et, lorsque la lumière jaillit dans la pièce, il vit la figure d’Hippolyte Fauville tuméfiée, tachée de plaques brunes.

— Oh ! dit-il à voix basse, il est mort.

— Cré tonnerre !… cré tonnerre !… bégaya le brigadier.

Durant deux ou trois minutes, ils restèrent pétrifiés, stupides, anéantis par la constatation du plus prodigieux et du plus mystérieux des phénomènes. Puis une idée soudaine fit sursauter Perenna. En quelques bonds il monta l’escalier intérieur, galopa le long de la galerie, et se précipita dans la mansarde.

Sur son lit, Edmond, le fils d’Hippolyte Fauville, était étendu, rigide, le visage terreux, mort aussi.

— Cré tonnerre !… cré tonnerre ! répéta Mazeroux.

Jamais peut-être, au cours de sa vie aven-