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n’est pas moi qui hérite des millions, mais lui, et c’est alors lui, et non pas moi, qui aurait intérêt à la disparition de M. Fauville et de son fils.

— Évidemment… évidemment… murmura M. Desmalions… Encore faudrait-il que cette nouvelle piste…

Mme Fauville entra sur ces paroles. Son visage restait gracieux et charmant, malgré les pleurs qui avaient rougi ses paupières et altéré la fraîcheur de ses joues. Mais ses yeux exprimaient l’effarement de l’épouvante, et la pensée obsédante du drame donnait à toute sa jolie personne, à sa démarche, ses mouvements, quelque chose de fébrile et de saccadé qui faisait peine à voir.

— Asseyez-vous, madame, lui dit le préfet avec une déférence extrême, et pardonnez-moi de vous imposer la fatigue d’une nouvelle émotion. Mais le temps est précieux et nous devons tout faire pour que les deux victimes que vous pleurez soient vengées sans retard.

Des larmes encore s’échappèrent des beaux yeux et, avec un sanglot, elle balbutia :

— Puisque la justice a besoin de moi, monsieur le préfet…

— Oui, il s’agit d’un renseignement. La mère de votre mari est morte, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur le préfet.

— Elle était bien originaire de Saint-Étienne et s’appelait de son nom de jeune fille Roussel ?

— Oui.

— Élisabeth Roussel ?

— Oui.

— Votre mari avait-il un frère ou une sœur ?

— Non.

— Par conséquent, il ne reste plus aucun descendant d’Élisabeth Roussel ?

— Aucun.

— Bien. Mais Élisabeth Roussel avait deux sœurs, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Ermeline Roussel, l’aînée, s’exila, et personne n’entendit plus parler d’elle. L’autre, la plus jeune…

— L’autre s’appelait Armande Roussel. C’était ma mère.

— Hein ? Comment ?

— Je dis que ma mère s’appelait, de son nom de jeune fille, Armande Roussel et que j’ai épousé mon cousin, le fils d’Élisabeth Roussel.

Ce fut un véritable coup de théâtre.

Ainsi donc, Hippolyte Fauville et son fils