Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/33

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— Il n’y pas de lettres pour moi ?

L’individu ripostait, d’un ton bourru :

— Non, rien.

Cela dura deux semaines ; puis, un matin, le concierge, impatienté, s’écria :

— Eh ! que diable, vous savez bien que vous ne recevez jamais de lettres, vous !

C’est vrai, il ne recevait jamais de lettres, lui. Tous ses voisins en recevaient. Lui, non. Quoi d’étonnant à ce qu’il fût dédaigné par le concierge et privé de la considération à laquelle il avait droit ? Ne pas recevoir de lettres, c’est ne connaître personne, ne posséder aucune protection, être dénué de toute influence, de tout crédit, de toute autorité.

Il s’aperçut soudain de son isolement dans le monde. Il vivait à part, comme un lépreux, Nul ne s’intéressait à lui. Il ne pouvait faire ni bien ni mal. Qu’il crevât, pas une larme ne coulerait. De là sans doute provenait l’espèce de froideur avec laquelle on l’accueillait.