Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/43

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tes deux également. La voix que vous entendiez, je l’entendais, et les mots et l’inflexion, et je voyais comme vous les yeux ardents et les gestes nerveux.

Après un silence, elle dit :

— Si vous saviez comme nous acceptons aveuglément l’illusion, nous, les disgrâciés ! Nous tendons la main sans honte à l’aumône bienfaisante. Et, ainsi, j’ai vécu de ce que l’on vous offrait. Dans les gerbes d’amour qui s’élevaient sous vos pas, j’ai cueilli ma bonne part. J’ai volé des étincelles aux flammes du désir que votre chair allume. Et le vin de passion que vous dédaigniez, je l’ai bu, moi, de mes lèvres avides. Comprenez-vous ? Parmi ces hommes qui vous obsèdent, il en est que votre froideur rejette vers moi, confidente de leurs peines. Il en est d’autres qui se sacrifient pour me mettre dans leur jeu. Il en est aussi pour qui rejaillit sur moi un peu du reflet de votre beauté. Et je