à demi, les yeux luisants comme deux étoiles vertes, elle s’apprêtait à bondir.
Horace Velmont lâcha Patricia, se redressa et, fixant les yeux sur la bête fauve, il lui dit avec une douceur prudente, un peu bougonne :
« Tiens, te voilà, toi ? Il me paraît que tu te mêles de ce qui ne te regarde pas ? Dites donc, Patricia, ce qu’elle est bien dressée, votre petite chatte ! Fichtre, vous avez une façon de vous faire respecter ! Bien, bien… Je vous respecte ! Seulement, comme je ne veux pas être ridicule et que la femme que j’aime se moque de moi… »
Il tira de sa poche le couteau à cran d’arrêt, large et aigu, qui ne le quittait plus. Il l’ouvrit :
« Que faites-vous là, Horace ? s’écria Patricia alarmée.
— Chère amie, je sauvegarde ma dignité aux yeux de votre aimable porte-respect. Je ne veux pas qu’elle s’imagine qu’Horace Velmont est un enfant qu’on met en fuite ! Si vous ne m’embrassez pas sur-le-champ sous les yeux de cette chatte, je lui ouvre le ventre. Ça fera une belle bataille ! Compris ? »
Patricia hésita, rougit et, enfin, se levant, vint s’appuyer sur l’épaule d’Horace et lui tendit ses lèvres.
« Crébleu, dit-il, à ce compte-là l’honneur est sauf !… Et je ne demande qu’à être contraint à le faire respecter souvent de la sorte !
— Je ne pouvais vous laisser tuer cette bête, murmura Patricia. Que deviendrais-je sans sa protection ?
— J’aurais peut-être été tué par elle, objecta Horace. Mais cela vous inquiète beaucoup moins, ajouta-t-il avec un ton de mélancolie qui ne lui était pas habituel et qui émut profondément la jeune femme.
— Croyez-vous ? » murmura-t-elle en rougissant davantage.
Mais elle se ressaisit aussitôt. Le souvenir de ce qu’elle estimait être une cruelle offense n’était pas encore effacé. Elle alla à la tigresse et lui mit la main sur la tête.
« Tiens-toi tranquille, Saïda ! »
La bête fauve, en réponse, ronronna d’aise.
« Tiens-toi tranquille, Saïda ! répéta Velmont qui, lui aussi, s’était ressaisi. Tiens-toi tranquille pour que le monsieur puisse s’en aller sans qu’il y ait du vilain ! Au revoir, reine de la jungle ! Avec tes raies, tu me fais penser à un zèbre… mais c’est moi qui file. »