Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment), je me croirai un peu moins seul en sentant vivre auprès de moi… Ce ne sera qu’une illusion, mais les illusions sont parfois douces… C’est comme un reflet de bonheur…

Pierre avait regardé Violette. Sans doute, les enfants s’étaient-ils confié bien des choses au retour de chez Folette, car, à un geste interrogateur de Pierre, Violette baissa la tête pour marquer son acquiescement à ce que son ami allait dire.

— Maman, pourquoi ne resterions-nous pas ici tout l’hiver ? interrogea l’enfant, qui laissa tomber ces mots dans un grand silence plein de gêne.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? Et tes études, Pierre ? demanda Mme Boisgarnier, tout émue.

— Mes études ! mes études ! Je travaillerai aussi bien ici. Un précepteur, si vous y tenez, maman. Mais, pour moi, j’aime autant l’école du village, tout comme Violette.

— Toi, passer l’hiver ici ?

— Pourquoi pas ? Je m’y porte bien. Vous aussi, maman. Nous achèverons de rétablir notre santé en vivant ici… Un ou deux ans passent vite… Et, en outre, maman…

— En outre, mon chéri ?

— Il m’a semblé… il m’a semblé, ajouta-t-il avec un peu d’effort, que vous seriez très heureuse de rester ici…

Elle rougit. Pierre avait le cœur gros et les yeux mouillés. Mais il se força à sourire et continua :

— La campagne vous fait du bien, tant de bien, maman ! Avant la dernière visite de M. des Aubiers, vous n’étiez plus la même ! Parfois, vous chantiez… Il y avait des fleurs dans le salon… C’est une telle joie pour moi quand vous allez bien qu’il faudrait bien que ses visites recommencent. Oui, maman, je ne vous avais jamais vue ainsi… jamais… même au temps où j’étais tout petit et que vous me preniez sur vos genoux…

Il ne put achever…

Sa mère observait M. des Aubiers. Tous étaient un peu contraints et très émus.

Elle dit, enfin :

— Je ne voudrais pas cependant que notre ami perde cette occasion de vendre…

— Oh ! simple projet, reprit M. des Aubiers avec un empressement inconscient et sincère. Je trouverai bien d’une manière la somme qu’il me faut… Non, l’essentiel, madame, c’est votre séjour ici. Partir ! Mais non, ce serait absurde. Vous voyez bien, chère madame, ce que dit votre petit Pierre…

La conversation… un peu difficile… ne s’acheva point.

Elle fut interrompue par une sonnerie grave dont les échos venaient mourir au long des murailles du château. Lentes, mesurées, les cloches de l’église du bourg envoyaient au ciel leurs notes cristallines, qui faisaient doucement frissonner les vitres embuées par les premiers souffles frais d’un soir automnal.

— Comment ! s’écria M. des Aubiers, on dirait le glas des morts !