Page:Lebrun - Explication littérale historique et dogmatique des prières et des cérémonies de la messe - Tome 1 (1843).djvu/30

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À l’endroit de la Passion où il est dit que Jésus-Christ expira, le peuple chrétien se prosterne-t-il par terre pour adorer le plus humblement qu’il lui est possible cette mort précieuse que Jésus-Christ a soufferte pour nos péchés ? M. de Vert ne trouve d’autre cause de cette cérémonie que d’avoir voulu représenter un homme qui expire : On se laisse aller à terre, dit-il[1], et on baisse la tête à la manière de ceux qui expirent et rendent l’esprit, qui tombent morts. Bien plus, ajoute-t-il, au rit romain on fait ici une pause, comme pour exprimer, peut-être, le repos des morts, c’est-à-dire, l’état ou sont les corps des hommes après leur mort.

On trouve dans les bas siècles divers Missels chargés de quelques rubriques puériles, parce qu’elles ont été dressées en des temps grossiers ; et M. de Vert, qui avait lu un grand nombre de ces rubriques, a cru les devoir insérer dans son ouvrage, et il a rapporté avec soin les menues pratiques des lieux qu’il a parcourus ; mais il n’a trouvé nulle part une telle explication[2]. En effet, prescrirait-on aux Fidèles de représenter par des gestes ce que les paroles marquent si clairement ; et leur assemblée serait-elle une compagnie de mauvais acteurs ?

Vraies causes des gestes.

M. de Vert devait savoir ce qu’ont remarqué les bons auteurs[3], que les gestes se font pour exprimer les sentimens dont l’âme est actuellement pénétrée, et non pas pour figurer ou pour montrer aux spectateurs tout ce que les mots dont on se sert peuvent signifier. M. l’Évêque de Soissons est entré dans la vraie raison des gestes, et dans les sentimens de l’Église, lorsqu’il a dit[4] : « C’est la foi, et la foi vive qui m’inspire de me prosterner devant les Autels de mon Dieu. Ce n’est pas le son grossier de ces mots, supplex, ou supplici, ou adorare, ou descendit,

  1. Tom. 2. 1. éd. p. 22 et 23.
  2. Ce n’est pas que M. de Vert ait voulu absolument bannir les raisons pieuses, pour y substituer ses idées comme des décisions : « Dieu me préserve, dit-il, de jamais condamner ni les mystiques, ni les raisons mystérieuses… » Je cherche, quœro, non affirmo, ajoute-t-il, Préf. tom. 1. p. xliv et xlv. Mais ce qu’on lit ailleurs, et surtout le titre de l’ouvrage, donne une autre idée. Il aurait fallu, pour ne pas embarrasser le lecteur, intituler le livre : Conjectures sur les Cérémonies ; et non pas Explication littérale et historique.
  3. Voyez la Poétique de Jules César Scaliger
  4. Réfut. de M. de Vert, p. 177.