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mais en regagnant le camp, que de fois nous nous sommes retournés vers notre petit cimetière si triste, où trop des nôtres déjà reposent sans couronnes d’immortelles, sans souvenirs, sans rien, si ce n’est la grande croix de sapin ; ils semblent déjà confondus avec le reste de la lande. Pauvres morts abandonnés, comme vous devez avoir froid sous cette tombe de hasard !

Dès les premiers jours de ma rentrée au pays, j’accomplis donc ma triste mission, et c’est à pas lents et le cœur angoissé que j’escalade un petit sentier escarpé qui me conduit vers une maisonnette bien proprette enfouie dans de la verdure et accroché au flanc d’un coteau de la Basse-Sambre.

Je pousse la petite barrière rustique et timidement je frappe à la porte ; une bonne vieille, bien propre dans ses vêtements de deuil, au bonnet tuyauté éclatant de blancheur, légèrement voûtée, l’allure épuisée et le front marqué de deux plis de souffrance vient m’ouvrir. Son air bon, humble, résigné, augmentait encore le malaise qui m’écrasait ; après quelques paroles banales, j’abordai franchement le but de ma visite.

Elle avait appris la mort de son fils par un pli officiel, sinistre dans son laconisme.