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POÈMES ANTIQUES.


Fuis, chasseur imprudent ! Artémis irritée
T’aperçoit et se lève au milieu des flots clairs,
Et sa main sur ton front lance l’onde agitée ;
          Ses grands yeux sont tout pleins d’éclairs.

La corne aux noirs rameaux sur ta tête se dresse ;
Tu cours dans les halliers comme un cerf bondissant…
Et ta meute infidèle, en son aveugle ivresse,
          Hume l’arôme de ton sang.

Malheureux ! plus jamais dans les forêts aimées
Tu ne retourneras, ton arc entre les mains.
Ah ! les Dieux sont cruels ! aux douleurs des humains
          Toujours leurs âmes sont fermées.


HÈLÈNE.


Oui, les Dieux sont cruels !… Ô jours, jours d’autrefois !
De ma mère Léda doux baisers, douce voix,
Bras caressants et chers où riait mon enfance,
Ô souvenirs sacrés que j’aime et que j’offense,
Salut ! — Un noir nuage entre mon cœur et vous
D’heure en heure descend comme un voile jaloux.
Salut, seuil nuptial, maison du fils d’Atrée,
Ô chastes voluptés de sa couche sacrée !
De la grande Pallas autel hospitalier,
Où j’ai brûlé la myrrhe et l’encens familier !
Ô cité de Tyndare ! Ô rives de mon fleuve,
Où l’essaim éclatant des beaux cygnes s’abreuve
Et nage, et, comme Zeus, quittant les claires eaux,