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NIOBÉ.

Ainsi du froid Hémos les neiges ébranlées
S’écroulent avec bruit dans les blanches vallées ;
L’écho gronde en fuyant, et les tristes pasteurs
Hâtent les bœufs tardifs vers les toits protecteurs.
Ton souffle a fait pâlir le divin Interprète :
Sur la lyre aux trois voix le plectre d’or s’arrête,
Et quelques sons encor, soupirs harmonieux,
S’exhalent en mourant comme une plainte aux Dieux !


NIOBÉ


Silence ! — Un chant funeste a frappé mon oreille.
Tout mon cœur s’est troublé d’une audace pareille.
Un mortel, las de vivre, insulta-t-il jamais
La fille de Tantale assise en son palais ?
Mieux vaudrait, qu’au berceau, son implacable mère
Eût arrêté le cours de sa vie éphémère,
Que d’attirer ainsi, sur son front insensé,
L’orage qui dormait dans mon cœur offensé.
Tais-toi. — Je veux t’offrir un retour tutélaire.
Les louanges de Zeus irritent ma colère...
Et c’est assez, sans doute, au Tartare cruel
Qu’il attache à mon père un supplice éternel !
Il était d’autres dieux que les tiens, — race auguste,
Dont le sang était pur, dont l’empire était juste,
Fils de la Terre immense et du vieil Ouranos.
Ces monarques régnaient dans les cieux en repos.
Propices aux mortels, tout remplis de largesse,
Ils dispensaient la paix, le bonheur, la sagesse ;