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KHIRÔN.

Dans le repos premier rentrent de toutes parts,
Et, d’une vie antique effaçant le vestige,
Unissent dans la mort les rameaux à la tige.

Les Pasteurs, refoulés par ces torrents humains,
Se frayaient, gémissants, d’inhabiles chemins.
Emportant de leurs Dieux les géantes images,
Les uns par grands troupeaux fuyaient sur les rivages
Les autres, unissant les chênes aux troncs verts,
Allaient chercher sur l’onde un meilleur univers…
Et quand tout disparut, race morte ou vivante,
Moissonnée en monceaux ou prise d’épouvante,
Je vis, sur les débris de ce monde effacé,
Un nouveau monde croître, et vers les cieux poussé,
Comme un chêne noueux aux racines sans nombre,
Epancher sur le sol sa fraîcheur et son ombre ;
Tandis que du Destin l’oracle originel,
Parlant une autre langue aux abîmes du ciel,
Sous mes yeux éblouis déroulait à cette heure
Le sort plus glorieux d’une race meilleure.
Alors, je descendis du mont accoutumé
Chez ce peuple aux beaux corps des Immortels aimé.
Ainsi, l’aigle, lassé de la nue éternelle,
Dans l’ombre des vallons vient reposer son aile.
Roi de l’Hémos ! ma voix aux superbes dédains
N’avait jamais frappé l’oreille des humains ;
Jamais encor mes bras n’avaient de leur étreinte
Dans un cœur ennemi fait palpiter la crainte ;
J’ignorais la colère et les combats sanglants ;