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POÈMES ANTIQUES.

Et, fier de quatre pieds aux rapides élans,
De ma force éprouvée aux lions redoutable,
J’irritai dans sa gloire une race indomptable.
L’insensée ignorait que le fer ni l’airain
Ne pouvaient entamer mon corps pur et serein,
Semblable, sous sa forme apparente, à l’essence
Des impalpables Dieux. Ma céleste naissance,
Le sentiment profond de ma force, ou plutôt
L’inexorable Arès qui m’enflammait d’en haut,
Excitant mon courage à la lutte guerrière,
Rougit d’un sang mortel ma flèche meurtrière.
Que de héros anciens dignes de mes regrets,
Sur la rive des mers, dans l’ombre des forêts,
Race hardie, en proie à ma fureur première,
J’arrachai, noble Orphée, à la douce lumière !
Peut-être que, vengeant le divin Pélasgos,
J’allais d’un peuple entier déshériter Argos,
Si la grande Athènè, Déesse tutélaire,
N’eût brisé le torrent d’une aveugle colère.
J’ensevelis les morts que j’avais immolés,
J’honorai leur courage et leurs mânes troublés ;
Et la Paix souriante, aux mains toujours fleuries,
Apaisa pour jamais nos âmes aguerries.

Mais, à peine échappée aux combats dévorants,
La Terre tressaillit sous des efforts plus grands ;
Et, comme aux jours anciens où tomba Prométhée,
L’Aithèr devint semblable à la mer agitée.
Les astres vacillaient dans l’écume des cieux,