Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
KHIRÔN.

Et sur le bord des mers j’entends Hellas en pleurs
Troubler les vastes cieux du cri de ses douleurs !
Tu tombes, jeune encor ; mais ta rapide vie
D’une gloire immortelle, ô mon fils, est suivie ;
L’avenir tout entier en sonores échos
Fait retentir ton nom dans l’âme des héros,
Et l’aride Troade, où tous viendront descendre,
Les verra tour à tour inclinés sur ta cendre. —

Le Centaure se tait. Dans ses bras vénérés
S’élance le jeune homme aux longs cheveux dorés ;
De son cœur généreux la fibre est agitée.
Il baise de Khirôn la face respectée ;
Et, gracieux soutien du vieillard abattu,
Il le réchauffe au feu de sa jeune vertu.


III


— Mon hôte, dit Khirôn, dès qu’aux voûtes profondes,
La fille de Thia, l’Aurore aux tresses blondes,
Montera sur son char de perles et d’argent,
Presse vers Iolkos un retour diligent ;
Mais la divine Nuit, ceinte d’astres, balance
La Terre encor plongée en un vaste silence,
Et seul, le doux Sommeil, le frère d’Atropos,
Plane d’un vol muet dans les cieux en repos.
Je ne foulerai point Argô chargé de gloire,