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BHAGAVAT.

Pour engloutir le monde et venger son offense,
Le jeune Bhagavat, dans la fleur de l’enfance,
Qui, sous les açokas cherchant de frais abris,
Joûra dans la rosée avec les colibris,
Voulant sauver la Terre encor féconde et belle,
Soutiendra d’un seul doigt, comme une large ombrelle,
Sous les torrents du ciel qui rugiront en vain,
Durant sept jours entiers, l’Himalaya divin !


IV



Le chef des Éléphants, brûlé par la lumière,
Vers midi se baignait dans la fraîche rivière,
Et tout murmurant d’aise et lavé d’un flot pur,
Respirait des lotus les calices d’azur.
Un crocodile noir, troublant sa quiétude,
Le saisit tout à coup par son pied lourd et rude.
— Seigneur ! dit l’Éléphant plein de crainte, entends-moi !
Seigneur des âmes, viens ! Je vais mourir sans toi. —
Bhagavat l’entendit, et d’un effort facile
Brisa comme un roseau les dents du crocodile.

____

Aux chants des Kinnaras, de désirs consumés,
Les brahmanes foulaient les gazons parfumés ;
Et sur les bleus étangs et sous le vert feuillage
Cherchant de Bhagavat la glorieuse image,
Ils virent, plein de grâce et plein de majesté,
Un Être pur et beau comme un soleil d’été.