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L’ARC DE CIVA.


Lève-toi, Lakçmana ! Attelle deux cavales
Au char de guerre, et prends ton arc et ton carquois.
Va ! Parcours les cités, les montagnes, les bois,
          Au bruit éclatant des cymbales.

Dis à Rama qu’il vienne. Il est mon fils aîné,
Le plus beau, le plus brave, et l’appui de ma race.
Et mieux vaudrait pour toi, si tu manques sa trace,
          Malheureux ! n’être jamais né. —

Le jeune homme aux yeux noirs, se levant plein de crainte,
Franchit en bondissant les larges escaliers ;
Il monte sur son char avec deux cymbaliers,
          Et fuit hors de la Cité sainte.

Tandis que l’attelage aux jarrets vigoureux
Hennit et court, il songe en son âme profonde :
— Que ferai-je ? Où trouver, sur la face du monde,
          Rama, mon frère généreux ?

Certes, la terre est grande, et voici bien des heures
Que l’exil l’a chassé du palais paternel,
Et que sa douce voix, par un arrêt cruel,
          N’a retenti dans nos demeures. —

Tel Lakçmana médite. Et pourtant, jour et nuit,
Il traverse cités, vallons, montagne et plaine.
Chaque cavale souffle une brûlante haleine,
          Et leur poil noir écume et luit.