Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
ÇUNACÉPA.

Le Brahmane qui doit égorger la victime
Murmure du Sama la formule sublime,
Et les prêtres courbés récitent à leur tour
Cent prières du Rig, cent vers de l’Yadjour.
Et dans la plaine immense un peuple infini roule
Comme les flots. Le sol tremble au poids de la foule.
Les hommes au sang pur, au corps blanc, aux yeux fiers,
Qui vivent sur les monts et sur le bord des mers,
Et tendent l’arc guerrier avec des mains robustes ;
Et la race au front noir, maudite des Dieux justes,
Dévouée aux Rakças et qui hante les bois ;
Tous, pour le sacrifice, accourent à la fois,
Et font monter au ciel, d’une voix éclatante,
Les clameurs de la joie et d’une longue attente.

Les cymbales de cuivre et la conque aux bruits sourds,
Et la vîna perçante et les rauques tambours,
Vibrant, grondant, sifflant, résonnent dans la plaine,
Et les peuples muets retiennent leur haleine.
C’est l’heure. Le Brahmane élève au ciel les bras,
Et la victime offerte avance pas à pas.
Le jeune homme au front ceint de lotus, calme et pâle,
Monte sans hésiter sur la pierre fatale ;
Tous ses membres roidis sont liés au poteau,
Et le prêtre en son sein va plonger le couteau.
Alors il se souvient des paroles du sage :
Il prie Indra qui siège et gronde dans l’orage,
Et sept fois l’hymne saint, que tous disent en chœur,
Fait hésiter le fer qui doit percer son cœur.