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POÈMES ANTIQUES.


Courbez, ô monts d’Hellas, vos prophétiques crêtes !
Lauriers aux larges fleurs, platanes, verts roseaux,
Cachez au monde entier, de vos ombres discrètes,
Le Cygne éblouissant qui flotte sur les eaux.

L’onde, dans sa fraîcheur, le caresse et l’assiège,
Et sur son corps sacré roule en perles d’argent ;
Le vent souffle, embaumé, dans ses ailes de neige :
Calme et superbe, il vogue et rayonne en nageant.

Vierges, qui vous jouez sur les mousses prochaines,
Craignez les flèches d’or que l’Archer Délien
Darde, victorieux, sous les rameaux des chênes ;
Des robes aux longs plis détachez le lien.

Le divin Eurotas, ô vierges innocentes,
Invite en soupirant votre douce beauté ;
Il baise vos corps nus de ses eaux frémissantes,
Palpitant comme un cœur qui bat de volupté.

Terre au sein verdoyant, mère antique des choses,
Toi qu’embrasse Océan de ses flots amoureux,
Agite sur ton front tes épis et tes roses !
Ô fils d’Hypérion, éclaire un jour heureux !

Sur tes bras, ô Léda, l’eau joue et se replie,
Et sous ton poids charmant se dérobe à dessein ;
Et le Cygne attentif, qui chante et qui supplie,
Voit resplendir parfois l’albâtre de ton sein.