Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
HÉLÈNE.


Tes compagnes, ô Reine, ont revêtu sur l’herbe
Leur ceinture légère, et quitté les flots bleus.
Fuis le Cygne nageur, roi du fleuve superbe ;
N’attache point tes bras à son col onduleux !

Tyndare, sceptre en main, songe, l’âme jalouse,
Sur le trône d’ivoire avec tristesse assis :
Il admire en son cœur l’image de l’Épouse,
Et tourne vers le fleuve un regard indécis.

Mais le large Eurotas, la montagne et la plaine
Ont frémi d’allégresse. Ô pudeur sainte, adieu !
Et l’amante du Cygne est la mère d’Hélène,
Hélène a vu le jour sous les baisers d’un Dieu !

Terre au sein verdoyant, mère antique des choses,
Toi qu’embrasse Océan de ses flots amoureux,
Agite sur ton front tes épis et tes roses !
Ô fils d’Hypérion, éclaire un monde heureux !


HÉLÈNE.


Vieillard, ta voix est douce ; aucun son ne l’égale.
Telle chante au soleil la divine cigale,
Lorsque les moissonneurs, dans les blés mûrs assis,
Cessent pour l’écouter leurs agrestes récits.
Prends cette coupe d’or par Hèphaistos forgée.
Jamais, de l’Ionie aux flots du grand Aigée,
Un don plus précieux n’a ravi les humains.