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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Tels, maître, esclaves, chien, par le fracas affreux
De la tempête qui se déchaîne et qui pleure,
Veillent, cette nuit-là, sans se parler entre eux.

Qu’attendent-ils au fond de l’antique demeure ?
Serait-ce point quelque jugement sans merci
Qui se doit accomplir quand arrivera l’heure ?

À quoi songe le vieux duc Magnus ? À ceci :


II


Un chevalier Croisé, vers l’orient de Tarse,
Pousse un cheval plaqué de bardes de métal,
Qui souffle en s’éventant avec sa queue éparse.

Sans guide ou compagnon, loin du pays natal,
L’aventurier, tenace et résolu dans l’âme,
S’en va par le désert à tous les siens fatal.

Le ciel en fusion verse sa morne flamme
Sur les longs sables roux qu’il inonde et qu’il mord,
Mer stérile, sans fin, sans murmure et sans lame.

L’immobile soleil emplit l’espace mort,
Et fait se dilater, telle qu’une buée,
L’impalpable poussière où l’horizon s’endort.