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POÈMES TRAGIQUES.


Nulle forme, nul bruit. Toute ombre refluée
S’est enfuie au delà de l’orbe illimité :
La solitude est vide, et vide la nuée.

Ce Chevalier de la Croix rouge est seul resté
Des guerriers qu’abritait sous sa large bannière
L’empereur qui dompta le Lombard révolté.

Or, César a donné sa bataille dernière ;
Le grand Germain, faucheur des générations,
Un soir, a disparu dans l’antique rivière.

Sa gloire, sa puissance et ses ambitions
Gisent lugubrement sous cette eau glaciale
Qui recèle à jamais le Roi des nations.

On n’a point retrouvé sa chair impériale ;
Et ses margraves, loin du sinistre Orient,
Pleins de hâte, ont mené leur fuite déloyale.

Quelques-uns, d’un rang moindre et d’un cœur plus croyant,
Devant Ptolémaïs, qu’ils nomment Saint-Jean d’Acre,
Ont joint Plantagenet, l’Angevin effrayant.

Le roi fauve a pris Chypre au vol de sa polacre,
Et, frayant son chemin vers les Murs bienheureux,
Traque, là-bas, les Turks qu’il assiège et massacre.

Pour Magnus, dédaignant le retour désastreux
Ou le Saint-Temple, il va conquérir, par le monde,
Quelque royaume, ainsi qu’ont fait les anciens preux.